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Il n’y a pas de jour férié gratuit

En 2021, le conseiller national bernois Heinz Siegenthaler a déposé (pour la seconde fois) une motion demandant que la date du 12 septembre soit inscrite comme jour férié sur le plan fédéral. Cette date fait référence à l’entrée en vigueur de la première Constitution fédérale de 1848, c’est-à-dire à la fondation de la «Suisse moderne».

Le 4 mai dernier, contrairement à l’avis du Conseil fédéral, le Conseil national a adopté la motion Siegenthaler par 94 voix contre 82 et 6 abstentions. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer, mais nombreux sont ceux qui commencent déjà à se poser des questions sur cette curieuse proposition.

Ces questions sont d’abord d’ordre institutionnel. Créera-t-on une seconde fête fédérale, après le 1er août? Ou une troisième si l’on tient compte du Jeûne fédéral? Y aura-t-il une fête «conservatrice» pour évoquer le Pacte de 1291 et une fête «progressiste» pour rappeler l’Etat fédéral de 1848? Ce serait paradoxal puisque c’est précisément l’Etat fédéral de 1848 qui a instauré la fête du 1er août pour symboliser la nouvelle unité helvétique! Et ensuite, combien d’autres dates marquantes de l’histoire suisse inspireront-elles de futurs élus désireux d’assoir leur notoriété? Il y a sept ans, une précédente motion proposait déjà un jour férié pour célébrer l’instauration du droit de vote des femmes.

La commémoration de ces évènements nécessite-t-elle un jour de congé? Pendant presque un siècle, le 1er août n’était pas férié, sauf dans quelques cantons; il l’est devenu en 1994, après une initiative populaire lancée par les «Démocrates suisses» et plébiscitée dans les urnes. Ce congé supplémentaire a-t-il aidé les Suisses à devenir plus patriotes qu’au siècle précédent, ou n’est-il qu’une agréable occasion de repos? On peut se poser la même question à propos du Jeûne fédéral, dont peu de personnes connaissent aujourd’hui la signification – et qui n’est pas férié dans tous les cantons. Cela mérite d’être souligné: les jours fériés en Suisse sont déterminés par les cantons, et l’apparition du 1er août dans la Constitution fédérale, il y a moins de trente ans, était censée rester une exception…

On nous pardonnera de rappeler ici, trivialement, que l’adoption d’un jour férié supplémentaire pose aussi des questions économiques. Qui va payer l’addition? Un jour de congé a un coût, certes compliqué à calculer puisque l’interruption de la production dans une majorité d’entreprises est en partie compensée par une consommation accrue dans le secteur des loisirs – dont les travailleurs, eux, n’auront pas congé. La Neue Zürcher Zeitung avance tout de même, de manière étayée, le chiffre de 600 millions de francs pour un jour férié en Suisse.

Dans une période compliquée par de l’inflation, par un manque de personnel et par des difficultés d’approvisionnement, un congé supplémentaire offert aux électeurs se traduirait par une pression accrue sur les entreprises suisses, qui se répercuterait forcément, d’une manière ou d’une autre, sur la population.

(L'Agefi, 19 mai 2023)

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