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Coupables ou non, défendons-nous!

La Suisse, l'Allemagne, le Bachkortostan et… la France

Il y a deux semaines, dans cette même rubrique, il était question de l'insupportable manie d'auto-dénigrement qui règne en Suisse. Parmi les exemples proposés aurait dû figurer l'accident aérien d'Ueberlingen. Les correcteurs, craignant qu'il ne s'agisse d'un mauvais exemple si la responsabilité de notre pays se confirmait, ont toutefois préféré écarter ce thème. Leur prudence était peut-être justifiée dans la mesure où la question nécessitait une argumentation plus détaillée. Mais insistons tout de même: la responsabilité ou non des aiguilleurs du ciel suisses ne modifie pas la constatation fondamentale que nos autorités ont lâchement renoncé à défendre notre bon droit face à des réactions étrangères outrancières, et que nos médias ont fonctionné comme une "cinquième colonne" en attaquant la Confédération de l'intérieur.

Cette catastrophe, qui a marqué les esprits et coûté la vie à de nombreuses personnes, mérite de la compassion, une enquête approfondie, une punition s'il y a eu faute. Mais lorsque des Etats étrangers profitent de cet accident pour nous traîner dans la boue et exercer des pressions politiques sur notre pays, il importe alors de réagir – peu importe que ce soit avec plus ou moins de bonne foi – et en aucun cas d'adopter un profil bas. La contrition collective n'a jamais ressuscité personne ni évité de nouveaux accidents. Elle nous place en revanche en position de faiblesse face à des adversaires potentiels qui se préoccupent plus de leurs intérêts que de notre vertu. Si les dirigeants du Bachkortostan avaient eu les mêmes scrupules, ils n'auraient pas commencé par claironner – quelques heures à peine après le drame et en comptant sur le hasard pour leur donner raison – que leur pilote n'avait rien à se reprocher!

Quant aux Allemands, qui eurent la décence d'attendre quelques jours avant d'exploiter cet événement dans le différend aérien qui les oppose à la Suisse, ils n'ont hélas eu qu'à suivre les conseils zélés des journalistes d'ici, trop heureux comme d'habitude de souligner nos éventuelles faiblesses, de relayer complaisamment chaque accusation et d'orienter certaines révélations de l'enquête pour accentuer la responsabilité de notre contrôle aérien. En comparaison de la TSR, la télévision française s'est distinguée par son honnêteté et son objectivité sur ces questions techniques.

Cela fait la seconde fois en deux semaines que la France est à l'honneur dans ces colonnes: il faut vraiment que la situation soit grave pour qu'on en arrive là!

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 26 juillet 2002)