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C’est le bouquet!

Au commencement était la télévision, hertzienne et en noir et blanc. On achetait le téléviseur, on payait la redevance radio-TV, et on pouvait regarder les trois ou quatre chaînes à disposition.

Ensuite est venu le câble, qui nous apportait des programmes de toutes les couleurs, dans toutes les langues et sur tous les sujets. Après avoir acheté le téléviseur et payé la redevance, il restait encore à payer l’abonnement au câble. On pouvait alors regarder des dizaines et des dizaines de chaînes, dont on ne sélectionnait que les trois ou quatre qui nous intéressaient.

Maintenant, on veut nous obliger à passer à la télé numérique, avec des boxes et des bouquets de chaînes, des centaines de chaînes, toujours en noir et blanc (les gentils d’un côté, les méchants de l’autre). Après avoir acheté le téléviseur, payé la redevance, signé l’initiative pour que cette dernière soit limitée à un montant largement suffisant, et payé l’abonnement au câble ou au réseau internet, il faut encore acheter la box et payer l’abonnement aux bouquets des mille et une chaînes dont on ne sélectionne que les trois ou quatre qui nous intéressent – à supposer qu’elles n’aient pas été bloquées par des sanctions internationales.

Et si on n’a pas envie de passer à la télé numérique? «Ils» nous suppriment les chaînes que nous regardons, les unes après les autres. Chaque année, au moment où nous nous y attendons le moins, lorsque nous voulons profiter d’une soirée tranquille pour regarder un bon film (les deux peuvent exister), nous nous retrouvons face à un écran tout noir mentionnant que «pour mieux répondre à nos attentes» la chaîne en question n’est plus disponible que dans les bouquets numériques.

Au-delà de l’agacement légitime, il reste, au moment d’éteindre le téléviseur, ce délicieux sentiment d’être un dinosaure réfractaire aux changements qu’on veut nous imposer.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2224, 7 avril 2023)