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On peut limiter la publicité, on ne doit pas l’interdire

La publicité est omniprésente dans notre société. Elle est parfois d’un goût incertain, ou insipide et ennuyeuse, mais aussi parfois amusante, savoureuse ou déconcertante – et il est inévitable que les publicités géniales soient un peu moins nombreuses que les médiocres.

Certains esprits vertueux voudraient restreindre la publicité en raison de son caractère envahissant. On pourrait presque les comprendre… Mais il faut avoir à l’esprit que la publicité est indispensable: toute entreprise qui veut vendre ses produits et ses services a besoin de les faire connaître. On notera qu’il existe tout de même des règles sur l’utilisation de l’espace public, sur l’accès aux boîtes aux lettres, sur la protection contre les appels téléphoniques abusifs, etc.

D’autres esprits encore plus vertueux réclament aujourd’hui de restreindre, voire d’interdire complètement la publicité pour des produits qu’ils perçoivent comme moralement condamnables: le tabac, bien sûr, mais aussi l’alcool, les produits sucrés ou gras, la viande. Dans une même logique extrême, il faudrait interdire aussi les publicités pour des voitures ou des voyages.

Economiquement, ces revendications sont inacceptables. Si la vente d’un produit n’est pas interdite par la loi, le vendeur doit pouvoir communiquer au sujet de ce produit et en faire la publicité. Cette dernière peut être légalement restreinte, par exemple dans le but de protéger la jeunesse, comme c’est le cas aujourd’hui avec le tabac. Mais une certaine forme de publicité doit rester possible.

Socialement, les interdictions publicitaires sont tout aussi inacceptables. Elles signifient qu’on considère le citoyen adulte comme incapable de maîtriser ses choix face aux sollicitations publicitaires.

C’est à l’aune de ces réflexions qu’il faut juger l’initiative «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac», soumise au vote populaire le 13 février prochain. Celle-ci exige d’interdire non seulement la publicité pour le tabac destinée aux jeunes, ce que la loi prévoit déjà, mais aussi celle susceptible d’être vue par des jeunes. Cela équivaudrait à une interdiction généralisée.

Chacun admet aujourd’hui que la publicité pour le tabac soit limitée. La nouvelle loi sur les produits du tabac, votée par le Parlement à la fin de l’année passée, prévoit d’ailleurs d’encadrer encore plus sévèrement cette publicité, en l’interdisant sur les affiches, dans les cinémas, sur les terrains de sport, sur les bâtiments publics et sur les transports publics. En revanche, une interdiction totale constituerait une atteinte clairement excessive à la liberté économique, en même temps qu’une fuite en avant vers une mise sous tutelle des individus.

Ce refus d’une solution extrême est d’autant plus légitime que celle-ci n’empêcherait pas les fumeurs de continuer à fumer, ni certains jeunes de goûter au tabac par goût de l’interdit.

(L'Agefi, 14 janvier 2022)

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