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Servile et sans cervelle

Emotion chez nos voisins français. Le pseudo-pronom «iel» – contraction de «il» et «elle» laborieusement élaborée par certains militants égalitaires pour désigner des individus sans indiquer leur genre – figure désormais dans le dictionnaire Robert. A moins qu’il ne faille écrire Robert-e.

De nombreux commentateurs se sont emparés de cette nouvelle, tantôt pour s’en offusquer, tantôt pour surenchérir d’admiration. Politiciens, linguistes et psychologues s’écharpent par tribunes interposées, rivalisant de polémiques savantes et de termes abscons. On se dispute pour savoir si le «iel» est progressiste ou réactionnaire. Ou encore élitiste. Quelqu’un, ou quelqu’une,a déclaré que «dans le mot iel résonnent et perdurent la hiérarchie traditionnelle et la violence symbolique du privilège masculin» – parce que le «i» du pronom masculin est placé avant le «e» du pronom féminin. Une «académicienne» interrogée par un journal de gauche tente de tourner en ridicule le combat des opposants, alors qu’il y a tellement de choses plus graves («La planète brûle, les glaciers fondent, les migrants meurent dans nos océans et à la frontière biélorusse…») Faut-il en déduire que la cause des dégenrés (honni soit qui y voit un anagramme) ne doit pas être considérée comme prioritaire?

Certains complotistes se sont demandé si l’éditeur de ce qui était encore récemment un dictionnaire n’a pas tout simplement tenté un coup de marketing pour relancer ses ventes…

Le directeur général des Editions Le Robert s’est pourtant fendu d’un communiqué très auto-satisfait, évoquant une majorité non moins satisfaite face à quelques rares réactions négatives, arguant d’un «usage encore relativement faible» de ce mot mais «en forte croissance depuis quelques mois», et de l’«utilité de préciser son sens pour celles et ceux qui le croisent». Il a parlé de sa noble mission «d’observer l’évolution d’une langue française en mouvement» et a terminé par une phrase creuse qu’il a sans doute jugée très émouvante: «Définir les mots qui disent le monde, c'est aider à mieux le comprendre.»

Le directeur général des Editions Le Robert est un dénommé Bimbenet. On ne comprend pas bien l’utilité de la première syllabe, mais on rappellera ce que nous dit son principal concurrent: «Benêt n'a pas de forme féminine et ne s'emploie pas pour parler d'une femme.» Une nouvelle preuve de la violence symbolique du privilège masculin.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2189, 3 décembre 2021)