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Nouvelles règles de transparence pour le financement de la vie politique

La plupart des partis politiques manquent d’argent. Certaines organisations – associations économiques ou écologiques, groupes de pression ou de défense d’intérêts – en ont davantage et interviennent financièrement dans le fonctionnement de la vie politique. Tout cela est généralement assez visible, mais rarement chiffré de manière précise. Pour cette raison, il est dans l’air du temps de plaider pour davantage de transparence dans le financement de la vie politique.

Sur le plan fédéral, une initiative populaire portant ce titre a été déposée en 2017, puis transmise aux Chambres en 2018. Les parlementaires ont jugé que ces revendications étaient dignes de soutien, mais qu’une telle réglementation, avec des dispositions détaillées, n’avait pas sa place dans la Constitution; ils ont donc élaboré un contre-projet s’intégrant dans la loi fédérale sur les droits politiques (LDP). Cette révision législative, mise en consultation en 2019, a été votée définitivement par les deux Chambres le 18 juin 2021. Les auteurs de l’initiative populaire ont alors annoncé qu’ils retiraient leur texte.

Dans le Canton de Vaud, cette préoccupation a commencé à se concrétiser en 2019, lorsqu’elle a été incluse dans le projet de révision de la loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP) mis en consultation en même temps que le projet fédéral. Cette révision est aujourd’hui entre les mains du Grand Conseil, comme on a pu le lire dans la précédente édition de La Nation. L’introduction de normes de transparence pour le financement de la vie politique constitue un chapitre relativement peu contesté et, même si les députés n’ont pas encore achevé leurs débats, il est peu probable que le texte final soit modifié.

Il faut encore mentionner que des législations comparables existent aujourd’hui dans les cantons de Genève, de Neuchâtel, de Fribourg, du Tessin et de Schwyz. Le Jura et le Valais se préparent à faire de même.

Les nouvelles règles fédérales

Sur le plan fédéral, les personnes physiques ou morales qui mènent une campagne en vue d’une votation et qui y engagent plus de 50'000 CHF doivent désormais déclarer à l’autorité compétente le financement de ladite campagne.

Il s’agit ainsi de fournir, 45 jours avant la votation, les recettes budgétisées, puis, 60 jours après la votation, le décompte final des recettes. Il faut aussi déclarer, au fur et à mesure puis en les récapitulant au moment du décompte final, toutes les «libéralités monétaires et non monétaires» reçues dans les douze mois précédant la votation et dépassant 15'000 CHF, en précisant à chaque fois l’identité et l’adresse du donateur, ainsi que la date et le montant du don (avec pièces justificatives). Les dons anonymes sont interdits, de même que ceux provenant de l’étranger (sauf s’ils proviennent de Suisses établis à l’étranger).

L’autorité compétente (qui sera désignée par le Conseil fédéral) publie les informations reçues sur son site internet. Elle peut aussi procéder à des contrôles par échantillonnage et dénoncer (après sommation) les infractions à l’autorité de poursuite pénale.

Les mêmes règles s’appliquent pour les campagnes liées à l’élection du Conseil national. Pour le Conseil des Etats, seuls les candidats élus doivent déclarer a posteriori le financement de leur campagne (du fait que les cantons définissent librement les modalités d’élection de leurs représentants et que la législation fédérale n’a donc pas à s’y immiscer).

Enfin les partis politiques représentés au Parlement doivent désormais déclarer chaque année leurs recettes, les dons de plus de 15'000 CHF et les contributions de leurs élus.

Les nouvelles règles vaudoises

Sur le plan vaudois, l’obligation de transparence concernera les votations et élections cantonales, ainsi que celles des communes de plus de 10'000 habitants.

Les comités de campagne (ou les partis présentant une liste de candidatures) devront annoncer, 30 jours avant la votation, leur budget de campagne, puis, 60 jours après la votation, leurs comptes de campagne, avec le montant total des dons et le détail de ceux dépassant 5000 CHF, avec l’identité des donateurs. Les dons anonymes ne pourront être acceptés et devront être remis à une institution d’utilité publique. L’obligation de transparence des dons concernera aussi chaque candidat individuellement.

Les partis politiques représentés au Grand conseil et dans les conseils communaux des communes de plus de 10'000 habitants devront aussi publier leurs comptes annuels, en plus de publier leurs comptes de campagne après chaque élection.

Ces informations seront recueillies par le département en charge des institutions, qui les publiera sur le site internet de l’Etat de Vaud.

Appréciation

Ces nouvelles règles généreront une activité administrative supplémentaire et de nombreux chiffres sur des pages internet, sans nous apprendre grand-chose de vraiment nouveau sur l’opulence ou le dénuement des uns et des autres. Ceux qui voudront absolument contourner la publicité des dons pourront le faire sans trop de difficulté. Des éléments déterminants, comme le soutien apporté à telle ou telle cause par certaines autorités ou certains médias, ne pourront pas être chiffrés.

Faut-il craindre des effets négatifs? Indirectement, oui. En publiant des chiffres précis, le risque existe qu’on aiguise les sentiments de jalousie et qu’on ravive des revendications égalitaires, sinon pour le financement des campagnes de votation, à tout le moins pour celui des partis politiques. La Suisse est aujourd’hui un des rares pays où les partis ne sont pas financés ou subventionnés par l’Etat, et cela est heureux car il ne convient pas que les partis disposent d’un statut officiel. Nous nous opposerons à toute tentative future de «corriger cette anomalie».

(La Nation n° 2184, 24 septembre 2021)

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