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Révolution de couleur

Quand le rouge passe au jaune, on s’attend à ce que ça devienne vert, puis à nouveau rouge.

Pour le coup, nous avons été servis: lorsque le Conseil fédéral a annoncé que M. Christian Levrat, ancien président du Parti socialiste, allait présider le conseil d’administration de La Poste, on a vu quelques Verts libéraux et d’autres Verts plus radicaux passer au vert (de rage) et simultanément au rouge (pivoine). La nomination, dit-on, n’aurait pas été assez transparente. Le copinage universellement pratiqué par le genre humain pourrait avoir joué un rôle. On se demande si l’heureux élu est vraiment tout blanc dans cette affaire – tandis qu’on chuchote déjà que son successeur au Conseil des Etats pourrait ne pas l’être du tout.

Tandis que les partis voient rouge et rient jaune dans cette affaire haute en couleurs, notre bonne presse préfère voir la vie politique en rose uniquement, en résonnant (laissons cela orthographié ainsi…) en termes de polychromie et de monochromie – toutes deux admirées selon les circonstances. En commentant un récent dimanche électoral, le quotidien Le Temps nous a en effet expliqué, dans une seule et même édition, dans quel cas la première est indispensable («En Valais, la fin de l’anomalie, enfin! Le PDC valaisan a perdu, ce dimanche, sa majorité absolue au Conseil d’Etat. […] Déjà anormal dans sa composition entièrement masculine, le gouvernement valaisan ne pouvait pas se permettre l’anormalité supplémentaire de ne pas être représentatif des forces politiques en présence dans le canton.») et à quel endroit la seconde est parfaitement normale («moment de joie […] pour la gauche plurielle lausannoise qui réussit pour la troisième législature de suite le tour de force de placer ses six candidats»).

Comme quoi il est plus facile pour un syndicaliste de se retrouver soudain grand patron, que pour la presse romande de devenir plurielle et multicolore.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2172, 9 avril 2021)