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Ouvertures et fermetures

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Nous vivons une époque paradoxale où nos certitudes se trouvent renversées les unes après les autres. Ainsi, il n’y a pas si longtemps, l’esprit d’ouverture était le maître mot des élites intellectuelles jeunes et progressistes. Celles-ci nous demandaient de humer l’air du vaste monde, d’accepter positivement tout ce qui nous arrivait de nouveau et de ne pas nous replier frileusement sur nous-mêmes face à des dangers largement exagérés. Mais aujourd’hui, les élites intellectuelles progressistes ont pris un petit coup de vieux. Elles voient arriver quelque chose de nouveau qui les angoisse et elles se replient frileusement derrière des frontières barricadées, des portes closes et des visages masqués par crainte de respirer l’air infesté de virus du vaste monde. «Ouverture» est devenu un terme grossier, que seuls prononcent encore quelques esprits nostalgiques du passé.

On peut relever à cet égard un autre paradoxe: les forces les plus réactionnaires du pays somment désormais le gouvernement de rouvrir les restaurants, les terrasses et les lieux de loisirs… mais aussi les universités, oubliant sans doute que ces dernières sont les plus redoutables clusters de virus gauchistes et que la pensée intellectuelle se développe souvent plus sainement lorsqu’elle en reste éloignée.

Finalement, on en arrive à cet entremêlement de paradoxes: on nous demande de respecter une minute de silence pour les victimes du Covid (à l’exception des victimes des mesures anti-Covid, car ce serait scientifiquement incorrect), mais les «experts» de la task force du Conseil fédéral, qui ne manquent jamais une occasion de l’ouvrir pour réclamer davantage de fermetures, s’offusquent quand on leur demande poliment de la fermer un peu.

A bien y réfléchir, ce n’est pas si paradoxal. On nous avait prévenus que cette minute de silence allait nous permettre de mieux entendre les cloches.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2170, 12 mars 2021)