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Un crapaud dans votre boîte aux lettres

Et une jolie dame sous un joli arbre...

De toute la paperasse que l'on reçoit dans sa boîte aux lettres, la publicité constitue certainement la partie la moins importune: rien à payer, rien à lire, rien à répondre. Directement à la poubelle sans passer par le Start. Ah, si tous les courriers pouvaient être évacués aussi vite!

Ces temps-ci, outre les feuillets aux couleurs criardes annonçant des tomates toujours moins chères, les invitations à des voyages de rêve dans des autocars remplis de papys et de mamys inconnus qui n'ont pas su où partir se promener, ou encore les offres «personnelles» et «intransmissibles» où le nom de l'heureux destinataire ne figure nulle part, d'autres dépliants publicitaires tentent de capter notre attention en nous annonçant un monde meilleur, avec une jolie dame avec un joli petit garçon sous un joli arbre sous un joli ciel bleu: ce sont les partis politiques, partis à la chasse aux voix en vue des élections d'octobre.

Le plus impressionnant est un énorme crapaud écologiste qui semble dire: «Si vous voulez vivre uniquement de nénuphars et d'eau fraîche, votez pour moi!» Au fil des affiches de rue, ce crapaud se changera d'ailleurs en à peu près tous les autres animaux que vous ne voudriez jamais voir dans votre salon. Quant aux autres partis, tous alignent leurs sourires colgate en promettant de changer le monde, de changer les règles du jeu lorsqu'ils n'arrivent pas à les respecter, de sauver la famille à coups de brosse à dents magique, de rendre les riches égaux aux pauvres... M. Jules Bolomey, grand candidat vaudois intercommunalement connu, nombreuses années d'expérience, résout tous vos problèmes de travail, d'impôts et d'assurances sociales, bonheur dans les 48 heures, satisfait ou remboursé... Il y a toujours des gens pour y croire.

La publicité politique est en quelque sorte ce que les professionnels appellent du «teasing», c'est-à-dire une publicité en plusieurs phases. La première consiste à capter l'attention de l'électeur par de jolies promesses. La seconde, qui parviendra sous peu dans notre courrier, nous obligera - contrairement aux autres publicités - à ouvrir, à lire, à répondre aux questions d'un concours où l'on est sûr de ne rien gagner, puis à payer le timbre pour expédier la réponse.

Il reste peut-être à inventer un autocollant à placer sur sa boîtes aux lettres: «Non merci, pas de démocratie!»

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 3 octobre 2003)