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Quand on est négatif, c’est plutôt positif

Illustration

– Qu’est-ce qui est petit, vert, qui monte et qui descend?
– Un coronavirus dans un ascenseur.

Face à l’adversité, les gens les plus sérieux et les plus responsables sont capables, heureusement, de réagir avec humour. C’est quand même beaucoup mieux que de répandre bêtise, méchanceté et insultes sur les réseaux sociaux (Moi j’ai vu des sales jeunes qui se réunissaient dans un parc! – Et moi des petits vieux qui entraient dans un supermarché! – J’espère qu’ils iront en prison! – Pourquoi on n’enferme pas mes voisins chez eux? – Pourquoi les autorités n’écoutent pas le peuple [c’est-à-dire moi]? – C’est la faute au Conseil fédéral qui n’a pas voulu cryogéniser la Suisse dès le mois de janvier! – C’est scandaleux de privilégier l’économie et de ne pas aider les gens qui travaillent! Etc.)

A côté de ces indigentes taches de l’âme humaine, on voit donc fleurir, depuis bientôt un mois, une réjouissante collection de plaisanteries, d’images drôles, et même de petites vidéos dont les premiers rôles sont tenus tantôt par des rouleaux de papier-toilette, tantôt par… le fameux coronavirus. Celui-ci s’est fait remarquer tout d’abord en tant que simple figurant sur des sites internet officiels, où il servait à illustrer chaque information sur la pandémie. Il n’y avait même plus besoin de lire les titres: on reconnaissait du premier coup d’œil ce rigolo petit brocoli vert, et on songeait aussitôt: brocoli = danger = virus. Une image vaut mille mots.

Progressivement, tous les sites internet ont voulu avoir leur propre image de coronavirus, et celui-ci a commencé à muter: on en a découvert des rouge foncé, des jaune verdâtre comme des châtaignes, des turquoise avec des protubérances rouges comme des champs de coquelicots, et même un bleu avec des pointes oranges ressemblant à un amuse-bébé en plastique. Inutile de dire que, quand on a récemment vu arriver les premières vraies photos de coronavirus, on a été déçu: c’est gris, moche et difforme.

A l’heure où nous écrivons, le coronavirus se présente sur le site de la Confédération comme un petit spoutnik stylisé, blanc sur fond rouge, qui fait presque penser à une mini planète du Petit Prince sur laquelle des sémaphores auraient poussé. Graphiquement, le terme spoutnik est assez peu adéquat (allez regarder sur internet à quoi ressemblait cette famille de satellites), mais il offre l’occasion de rappeler que dans «virus», il y a «rus(se)» et que ce n’est sûrement pas un hasard.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2145, 27 mars 2020)