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Quand verrons-nous des silhouettes de banquiers sur nos panneaux de circulation?

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Nous n’allons pas vous parler ici des nouveaux panneaux routiers «féminisés» inventés dans la cité du bout du lac. Car tout a déjà été dit, absolument tout. De la maire qui a fait rire toute la presse en dénonçant une violence sexiste lorsqu’un banal accident de la circulation a emporté l’un de ces panneaux, jusqu’à la volée de bois vert (ou rose?) qu’elle a ensuite reçue de la part d’autres féministes ne voyant pas pourquoi on avait représenté les femmes avec des robes ou de longs cheveux. Le sujet est clos et les lecteurs de La Nation, hélas, continueront à être discriminés en n’apparaissant sur aucune signalisation.

Nous pourrions presque en dire autant de l’acquittement des douze «activistes du climat», défendus par une armada d’avocats militants et par un juge acquis à leur cause. Là encore, beaucoup de choses ont déjà été dites et écrites. Les juristes ont donné leurs avis contradictoires. Le procureur a fait appel. Les contribuables vaudois tentés par la désobéissance civile ne se font aucune illusion: aucun juge ne les acquittera jamais au nom de l’urgence fiscale (pourtant scientifiquement établie) et de l’état de nécessité (incontestable, car trop de Vaudois n’ont pas encore pris conscience de la situation). Quant aux jeunes fils et filles de bonne famille qui se cherchent de nobles causes et se savent désormais au-dessus des lois, ils ont immédiatement récidivé en allant occuper le siège d’une autre banque.

C’est précisément à cette occasion que la presse a évoqué un détail que personne ne semble avoir relevé et analysé. En effet, selon le quotidien 20 Minutes, «des militants ont enfilé des costumes de banquier pour faire passer leur message». La RTS a précisé: «Une vingtaine de militants, dont certains en tenue de banquier – costume cravate pour les hommes, tailleur pour les femmes — se sont introduits dans le hall central de la banque.» Le Matin, pour sa part, a évoqué des militants «déguisés en banquiers».

Nous apprenons donc que le complet, ou costume-cravate, est un habit de banquier – et le tailleur un costume de banquière. Qu’est-ce qui différencie un habit de banquier d’un habit de ministre, de président, de patron de grande entreprise, d’agent d’assurance ou de garde du corps? Est-ce à dire que ces derniers se «déguisent» en banquiers pour exercer leur métier? Ou est-ce que la notion de banquier, dans l’inconscient journalistique, désigne indistinctement toute personne portant un complet et une cravate – à l’exclusion des banquiers modernes qui ont souvent abandonné cette dernière? Est-ce que les rédacteurs d’un grand groupe de presse helvétique, en voyant débarquer le président du conseil d’administration, qui a une formation de juriste et qui porte encore volontiers la cravate, s’adressent à lui en disant: «Monsieur le banquier»?

Mais là n’est pas la question la plus délicate. Nous voudrions surtout savoir s’il est permis à un militant climatique de se déguiser en banquier? On sait en effet – et le Premier ministre canadien lui-même l’a appris à ses dépens – qu’il est moralement interdit à un Blanc de se grimer en Noir, car cette pratique appelée «blackface» constitue une appropriation culturelle destinée à se moquer d’un groupe humain en le réduisant à sa dimension raciale. En quoi serait-il plus tolérable de se déguiser en banquier («bankface») et de commettre ainsi une appropriation de classe visant à dénigrer un groupe humain en le réduisant à sa dimension socio-professionnelle?

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2141, 31 janvier 2020)