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Soyez près de vos sous, avant que d’autres ne s’en approchent

Les riches ne pensent qu’à leur pognon! Le fric, le fric, il n’y a que ça qui les intéresse! Plus ils en ont, plus ils en veulent. Ainsi s’expriment M. et Mme Tout-le-monde lorsqu’ils commentent anonymement les actualités sur internet.

Politiciens, banquiers, financiers, directeurs et retraités aisés sont autant de cibles pour les frustrations du citoyen moyen. Ce dernier se sent profondément différent d’eux. Lui, il ne s’intéresse pas à l’argent et ne cherche pas à en gagner davantage. (C’est sans doute pour cela que, dans tous ses commentaires, il répète qu’il est injuste qu’il ait moins d’argent qu’eux et qu’il serait légitime qu’il en gagne davantage.)

La logique voudrait pourtant que ce soit le contraire: c’est lorsqu’on n’a pas ou peu d’argent qu’on devrait se soucier d’accroître ses revenus. Mais on sait bien que ce n’est pas toujours vrai et que l’avidité est généralement proportionnée aux richesses déjà accumulées. Le monde est parfois illogique.

Tenez, à propos de logique et d’argent, souvenez-vous de ce que nous lisions dans les journaux en octobre 2018: «Après avoir baissé l’impôt sur le bénéfice des entreprises […], Vaud veut diminuer la charge fiscale des personnes physiques. Le canton, qui est l’un des plus taxateurs de Suisse, veut abaisser l’impôt d’un premier point en 2020, suivi d’un second en 2021.»

Logiquement, les Vaudois, déjà plus lourdement taxés que la plupart des autres Confédérés, devraient donc se réjouir de voir leur taux d’imposition diminuer aujourd’hui d’un point. Or, c’est l’inverse qui se passe: le taux augmente cette année d’un point et demi pour une bonne moitié des contribuables, tandis que les autres bénéficient au mieux d’un statu quo.

Cela prouve assez que la logique, de nos jours, se fait encore plus rare que les liasses de billets de banque, et que l’argent n’intéresse pas seulement les riches autorités fiscales (qui en possèdent déjà beaucoup et qui en veulent en effet toujours davantage), mais aussi tous les pauvres contribuables vaudois, quel que soit le niveau de leur infortune.

La morale de cette histoire est qu’on devrait consacrer davantage d’énergie à protéger son propre argent, aussi modeste soit-il, qu’à envier vainement celui des autres.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2139, 3 janvier 2020)