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La transparence n’est souvent qu’une illusion

On exige davantage de transparence dans le financement des partis et des campagnes politiques. Or la transparence financière, difficile à établir, ne reflète jamais toute la réalité des forces en présence.

Les élections fédérales ont donné l’occasion de reparler de «lobbying». Les médias nous ont ainsi rappelé, à juste titre, que la représentation d’intérêts particuliers ne concerne pas seulement les caisses-maladie ou les arts et métiers, qui perdent de leur influence dans le nouveau parlement, mais aussi les syndicats, qui en perdent aussi, les locataires, qui gagnent de nouveaux parlementaires acquis à leur cause, et bien sûr l’environnement, qui sera encore davantage représenté. Avec réalisme, le co-président de l’organisation Lobbywatch.ch a relevé dans la presse qu’«il n'y aura pas moins de lobbyistes dans le nouveau parlement».

Tous les intérêts sont susceptibles d’être représentés au pouvoir législatif, et cela est légitime. Ce qui est réclamé, c’est que les liens d’intérêts soient connus. A l’heure actuelle, les élus sont tenus de déclarer de tels liens en début de législature et d'actualiser leur déclaration chaque année. Mais ces informations sont soupçonnées d’être souvent incomplètes. Surtout, il n’y a pas de connaissance systématique des liens financiers et des voix se font entendre, à gauche comme à droite, pour savoir ce que gagnent les parlementaires et qui les paie.

Ces préoccupations débouchent sur une revendication plus générale: rendre plus «transparent» le financement de l’ensemble de la vie politique, en mettant en lumière le financement des principaux partis politiques, mais aussi de chaque campagne d’élection ou de votation. Une initiative populaire en ce sens a été déposée il y a deux ans et les Chambres fédérales ont rédigé un contre-projet qui sera examiné par le Conseil des Etats avant la fin de l’année. De telles réglementations commencent aussi à se répandre dans les cantons.

La transparence ne doit pas devenir une tyrannie, ni servir d’argument à des revendications égalitaires. Car c’est une crainte qu’on peut légitimement éprouver: lorsque les inévitables inégalités de ressources entre les partis seront chiffrées publiquement, la revendication suivante sera celle d’un financement public des partis politiques, comme cela se pratique dans beaucoup d’autres pays. Une telle évolution signerait alors le début d’une mainmise étatique sur la démocratie directe.

C’est d’autant plus gênant que la transparence financière ne reflétera jamais toute la réalité. Il sera difficile de vérifier l’exactitude et l’exhaustivité des données qui seront publiées. Surtout, ces chiffres ne rendront pas compte des cas où des organisations impliquent leurs membres dans des campagnes de votation, où des médias influents prennent position avant certains scrutins, où le Conseil fédéral s’engage pour ou contre un objet soumis au vote. La seule recension des flux financiers ne peut donner qu’une image très imparfaite des forces en présence. Les élections fédérales de ce mois en sont la preuve, où la médiatisation de certains thèmes de campagne a manifestement été plus décisive que l’argent investi dans la publicité électorale.

(L'Agefi, 31 octobre 2019)

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