Tous mes articles

Le vote électronique au point mort

Il ne sera pas possible de participer en ligne aux élections fédérales de cet automne, car les deux plateformes de vote électronique à disposition des cantons ont été mises hors service. Mais la recherche d’un système fiable de vote par internet se poursuivra.

Le vote électronique en Suisse est au point mort. Les cantons de Genève, Neuchâtel et Zurich s’étaient pourtant lancés en pionniers il y a plus de quinze ans, et la possibilité de voter par internet s’est ensuite développée de manière régulière dans une dizaine de cantons, avec plus de 300 votations-tests – toujours limitées à un périmètre restreint et soumises à des autorisations spécifiques. Ces expériences ont prioritairement bénéficié aux Suisses de l’étranger, mais les citoyens résidant en Suisse ont aussi commencé à y avoir accès.

Deux plateformes étaient à disposition des cantons: celle développée par l’Etat de Genève («CH-Vote«) et celle proposée par la Poste en partenariat avec la firme espagnole Scytl. Il y a quelques mois, ce tranquille duopole s’est mis à vaciller. Le gouvernement genevois a annoncé qu’il allait cesser le développement de la plateforme CH-Vote, essentiellement pour des raisons financières. Parallèlement, la Confédération a proposé que le vote électronique ne soit plus considéré comme une «phase d’essai» mais comme un canal de vote officiellement reconnu. Ce projet législatif, qui ne changeait au fond pas grand-chose, a focalisé l’attention sur la plateforme de La Poste, désormais seule disponible et qui a alors été soumise à des tests publics d’intrusion. Ces tests ont révélé plusieurs failles dont les profanes peuvent difficilement apprécier la gravité, mais qui ont suscité une méfiance générale vis-à-vis du vote électronique. Une initiative populaire a été lancée, réclamant un moratoire.

Face à ce vent de contestation auquel on ne peut actuellement pas opposer de garanties suffisantes, toutes les possibilités de vote électronique ont été stoppées. La plateforme CH-Vote a été mise hors service prématurément à fin juin, celle de la Poste début juillet – ce qui a fâché les cantons utilisateurs qui exigent désormais un dédommagement financier.

Faut-il se résigner face à ce «grounding» du vote électronique, qui semble impossible à sécuriser suffisamment en regard des enjeux considérables d’un scrutin populaire, et auquel on reproche de «désacraliser» un droit politique fondamental? Ou faut-il écouter ceux qui continuent à revendiquer la possibilité de voter par internet, évolution logique du vote par correspondance? Les Suisses de l’étranger se déclarent déçus par l’impossibilité de participer en ligne aux élections fédérales de cet automne. En Suisse même, selon la dernière «étude nationale sur la cyberadministration», 68% des citoyens souhaiteraient un accès généralisé au vote électronique.

La prudence est nécessaire mais la peur est mauvaise conseillère. Le vote par internet reste un défi intéressant et on peut se réjouir de ce que le Conseil fédéral, tout en renonçant à une «normalisation» législative, ait chargé la Chancellerie fédérale de concevoir avec les cantons, d’ici fin 2020, une nouvelle phase d’essai s’appuyant sur des systèmes de dernière génération et sur davantage de contrôles indépendants.

(L'Agefi, 26 juillet 2019)

Tags:   Centre Patronal  |  L'Agefi