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Les femmes, les bonnes femmes et les armes

Illustration

Des jeunes femmes, calmes mais déterminées, qui avancent leur main pour dire: «Stop!» – évoquant presque les plus belles héroïnes des affiches de l’ère soviétique. Peut-on rêver meilleure image pour illustrer la journée de révolte du 14 juin prochain, où la gent féminine (avec une étoile*) se soulèvera pour dénoncer l’oppression machiste omniprésente dans notre société archaïque et patriarcale?

Cette image, en l’occurrence, était celle choisie par les opposants à la révision de la loi sur les armes, qui ont néanmoins été battus dimanche dernier. L’idée semblait pourtant bonne: de nos jours, mettre en scène une femme, ou n’importe quel représentant d’une communauté connotée positivement, suffit généralement à éveiller l’attention bienveillante des autorités morales. Mais dans le cadre de la campagne pour les armes, cela n’a pas marché. Les journalistes-déontologues ont certes été quelque peu bousculés dans leurs préjugés en découvrant ces jeunes femmes adeptes du tir sportif, mais très vite ils ont été pris d’un sens critique aussi honorable qu’inhabituel, qui les a amenés à exprimer le soupçon d’une «instrumentalisation».

Si nous comprenons bien, le féminisme est une question morale plus qu’une question de genre. La femme en tant que telle n’intéresse pas la morale moderne, seule compte la femme qui défend un point de vue moralement correct. La femme astérisque, donc, qui n’a rien à voir avec la femme populiste. La femme du 14 juin, et pas celle du 19 mai. Dans le genre féminin, il y a les bonnes femmes et les mauvaises femmes, et les bonnes femmes sont celles qui posent les armes en mai pour les reprendre en juin.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2123, 24 mai 2019)

 

* Voir l’article d’Emerentienne Pasche dans La Nation n° 2119 du 29 mars 2019.