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Vers un blocage du modèle socialiste

Entretien avec Jacques Paternot, auteur d’un livre qui démolit vertement l’idéologie socialiste

Immigration incontrôlée, chômage alarmant, augmentation des impôts et des taxes, agitation sociale, morcellement de la société: la vanité et l’incompétence des hommes (et des femmes) politiques nous entraînent vers une période de troubles. Plusieurs fois, Suisse-Info a montré le risque de glissement vers une situation de guerre civile larvée: radicalisation des oppositions politiques, violences urbaines, etc.

Pour détestable que soit cette situation, la Suisse a encore de la chance. En France c’est pire: grèves interminables et généralisées, transports bloqués, manifestations de rue qui dégénèrent, guérilla urbaine dans les banlieues, pillages, agressions. Préfiguration de ce qui nous attend d’ici quelques années de ce côté-ci du Jura?

Un livre paru récemment donne une approche intéressante du problème. «La France peut-elle en finir avec le socialisme?», demande Jacques Paternot, ingénieur et industriel français établi en Suisse. Le socialisme qu’il dénonce, ce n’est pas seulement celui des années Mitterrand, mais celui de tous les présidents français depuis Léon Blum en 1936, celui qui a progressivement mis sous tutelle l’économie de l’Héxagone et transformé les Français en assistés sociaux.

A la base du socialisme, J. Paternot voit trois principes: la collectivisation des moyens de production, l’économie dirigée par l’Etat, et des prélèvements massifs pour entretenir l’administration et assurer une redistribution des richesses. En variant les proportions du mélange, on obtient les différentes formes de socialisme: du modèle suédois à économie libre mais taxation maximale des revenus, au système soviétique avec une économie entièrement étatisée et planifiée.

Pour la France, J. Paternot dresse le sombre bilan des dégâts que le socialisme a causés à l’Etat, à l’emploi, à la sécurité sociale et à la position internationale du pays. Mais comment juge-t-il la situation en Suisse et dans le système de Maastricht?

Suisse-Info: La France connaît actuellement de graves conflits sociaux. Est-ce une grève de plus comme les Français en ont toujours connus, est-ce une vengeance des socialistes qui ont perdu les élections présidentielles, ou assiste-t-on cette fois à quelque chose de plus grave, à une situation sociale réellement critique?

Jacques Paternot: Il y a des deux, beaucoup des deux! On assiste actuellement à une épreuve de force avec un gouvernement qui, pour la première fois, propose une vraie réforme. Et cela est insupportable pour la France syndicaliste et socialiste, la «France en roue libre» (celle qui ne pédale pas), parce qu’on risque de lui enlever son fromage. Si Chirac cède, ce qu’il fera sans doute, alors le Premier ministre tombera et son successeur fera marche arrière: le Front National augmentera de 5%, la droite s’en trouvera encore plus divisée et elle perdra les prochaines élections face aux socialistes.

Mais on a de la peine à se représenter que la France est aussi endettée que toute l’Amérique latine, cela s’approche des mille milliards de dollars! On court alors le risque que ceux qui prêtent aujourd’hui à la France perdent confiance et cessent de prêter: l’Etat n’aura alors plus d’argent pour payer ses fonctionnaires.

S.-I.: En Suisse aussi, le mécontentement va croissant: protestation contre «Orchidée» dans le canton de Vaud, nombre des jours de grève en augmentation… Est-ce comparable?

J. P.: Non, c’est très différent. Lorsqu’il y a des grèves en Suisse, ce sont généralement de vrais conflits de travail, le plus souvent dans le secteur privé. En France, la grève est essentiellement politique, elle est faite par des privilégiés pour défendre leurs privilèges.

S.-I.: Vous accusez la France d’avoir toujours suivi une politique socialiste depuis Léon Blum. Estimez-vous que la Suisse suit elle aussi une voie socialiste?

J. P.: Oui, certainement, la Suisse évolue maintenant vers le socialisme, mais selon le modèle suédois, qui est très différent du modèle français. C’est plutôt Rousseau que Marx. Il n’y a pas de nationalisations, pas d’économie dirigée, mais chaque année on taxe un peu plus les citoyens. Madame Dreyfuss soulève déjà l’idée d’une TVA à 11%. Il faut retenir: un, que la Suisse suit le modèle suédois; deux, que ce modèle suédois a fait faillite. Economiquement, la Suède est aujourd’hui en ruines; la Suisse le sera demain si elle continue!

S.-I.: La situation, en France comme en Suisse, est-elle en train de se bloquer? Quelle issue peut-on envisager?

J. P.: Pour la France, je crois qu’il n’y a pas d’issue. La France est au bord du gouffre, elle est déjà dans une situation pré-révolutionnaire et, sauf réformes importantes, court à une catastrophe avant l’an 2000. En Suisse, c’est différent, on peut y aller encore un moment… Mais attention: l’économiste Keynes disait que les prélèvements ne devaient jamais dépasser 25% du produit national brut – la Suisse est aujourd’hui à 35% – et Valéry Giscard-d’Estaing ajoutait qu’au-delà de 40% du PNB, on tombe dans le socialisme de manière irréversible, c’est d’ailleurs exactement ce qu’il a fait.

La Suisse a commis la même erreur que la France: elle a laissé la gauche s’emparer de la culture, c’est-à-dire de l’école et des médias. Et maintenant, les idées de gauche dominent dans la société.

S.-I.: Vous avez écrit que l’on risque un nouveau Mai 68, avec les immigrés en plus des étudiants. Peut-on imaginer le risque d’une guerre civile?

J. P.: Je ne le crois pas. Je n’imagine en tous cas pas les gens prendre leur fusil pour changer le système: le socialisme est tellement incrusté dans les esprits que tout le monde accepte ces prélèvements comme quelque chose de juste. Même ceux qui souffrent des grèves les considèrent souvent comme nécessaires. Il est vrai cependant que l’instabilité de la situation provoque une certaine violence larvée, mais on ne peut pas parler de guerre civile.

S.-I.: Parlons alors de l’Europe de Maastricht. Est-elle aussi socialiste?

J. P.: Non. Je ne vois rien dans le Traité de Maastricht qui corresponde à l’idéologie socialiste, si ce n’est trop de bureaucratie à Bruxelles. Lorsque la France a dû se prononcer sur cette question, j’ai voté oui parce que ce traité avait le grand avantage d’imposer un corset de fer aux Etats dépensiers, parce qu’il contenait des critères de gestion, sur le modèle allemand, capables d’amener à une bonne situation financière. J’ai aussi voté oui à cause de la monnaie unique, parce que je la crois inévitable: si ce n’est pas l’ECU, alors un jour ou l’autre ce sera le mark allemand! Je suis pour une Europe confédérale avec une monnaie unique, basée sur un équilibre entre la France et l’Allemagne. Ce n’est hélas pas le chemin que l’on prend aujourd’hui, avec une France qui n’est plus capable de résoudre ses problèmes.

J’ai soutenu le Traité de Maastricht pour la France, parce qu’il aurait dû nous imposer un meilleur système de gestion; il est alors paradoxal que les socialistes aient le plus favorisé son acceptation. Cela dit, ce traité est très compliqué et imprécis, et je peux tout-à-fait comprendre que des Suisses ne veuillent pas entrer dans un ensemble aussi mal défini.

[Jacques Paternot, La France peut-elle en finir avec le socialisme?, Paris, Odilon Media, 1995]

(Suisse-Info n° 25, décembre 1995)

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