Tous mes articles

Swissmetro – L’avenir de la Suisse ne peut plus attendre

Mauvais signe: au lieu de remobiliser les Suisses autour d’une grande réalisation, Swissmetro devient une espèce de serpent de mer. On en parle à intervalles réguliers comme d’un projet fantastique et lointain, un rêve qui suscite autant d’enthousiasme que d’indifférence. L’autre jour, au Cercle de la presse de Lausanne, Adolf Ogi envisageait la réalisation de ce puissant trait d’union entre Romands et Alémaniques pour l’an 2020 (début des travaux!). De quoi refroidit tous ceux qui pensent que l’avenir de la Suisse ne peut plus attendre.

L’Office fédéral des transports s’est empressé de mettre ce dossier brûlant au frigo. Le projet Swissmetro ne s’inscrit pour l’instant dans aucun réseau européen, dans aucun cadre financier. Il doit céder la place à Rail 2000, même si Rail 2000 bat déjà de l’aile. Quel que soit l’origine de son financement, qui pourrait être privé et international, Swissmetro passera aussi après les transversales alpines.

Du côté des concepteurs de Swissmetro, les études se poursuivent envers et contre tout. Et on cherche des fonds pour faire avancer le projet. Entretien avec Rodolphe Nieth, l’ingénieur lausannois qui a imaginé Swissmetro il y a déjà vingt ans.

Suisse-Info: On entend souvent dire que Swissmetro est une utopie, bien que l’industrie allemande s’y intéresse de près. Où en est le projet?

Rodolphe Nieth: Jusqu’à maintenant, les études ont consisté à faire des pré-choix. La construction d’un tunnel n’est pas un problème, mais des choix doivent être faits concernant les moteurs, la sustentation magnétique, les sas, les stations. Au départ, on a plusieurs possibilités, et petit à petit on élimine celles qui paraissent les moins bonnes. Les grands principes sont aujourd’hui arrêtés, mais certains doivent encore être testés, par exemple la taille des véhicules, la fréquence des convois.

S.-I.: Les étapes qui restent à franchir semblent innombrables…

R. N.: Il faudrait trouver 15 millions pour terminer les études. Dans trois ans, nous pourrions alors présenter un projet à Berne pour une demande de concession. Une fois cette concession obtenue, des sociétés suisses et étrangères s’intéresseront au financement de la construction. Swissair est déjà actionnaire de la société anonyme Swissmetro.

S.-I.: L’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne vient de rendre un rapport au Département fédéral des transports. De quoi s’agit-il au juste?

R. N.: Ce rapport comprend une analyse de marché, une analyse technique et une analyse socio-économique. Il s’agit d’une étude préliminaire. Ce n’est pas encore une étude de projet.

S.-I.: Et quel accueil attendez-vous?

R. N.: Ecoutez, tout ce qui est dit dans ce rapport confirme l’intérêt de Swissmetro, donc il ne peut pas être mal reçu. Si les gens lisent ce rapport et sont objectifs, ils ne peuvent pas faire autrement que de soutenir cette idée, parce que l’on démontre l’intérêt de Swissmetro pour la collectivité. Cela dérange peut-être profondément certaines personnes mais il faudra bien les convaincre. Quelques fonctionnaires ont parfois de la peine à crocher sur un projet qui ne se réalisera pas de leur vivant…

S.-I.: Vous rencontrez donc des oppositions. Mais d’où viennent-elles plus précisément?

R. N.: Les CFF ont toujours freiné le projet. Vous comprenez, un train sans roues, c’est comme une trahison! Mais aujourd’hui, une nouvelle génération prend le relais. Et ces gens verront les choses différemment. Les CFF peuvent tirer profit de Swissmetro, c’est évident. Compte tenu des difficultés qu’ils ont à construire en surface, ils ont tout intérêt à construire en sous-sol. Il n’y aurait pas d’expropriations, pas d’oppositions! Il est temps qu’ils passent à quelque chose de plus rationnel. Je tiens à préciser que mes patrons, au premier arrondissement des CFF (Lausanne), m’ont tout de suite félicité et encouragé. C’est de la direction générale qu’est venue la réaction négative.

S.-I.: Le projet ne semble pourtant pas complètement bloqué. Qui le fait avancer?

R. N.: L’élément moteur a été l’Ecole polytechnique. Le groupe de travail de l’EPFL est responsable de la partie technique, tandis que la société Swissmetro SA s’occupe de la promotion et de la demande de concession.

Et ça avance vraiment?

R. N.: Oui! Le projet va en s’accélérant depuis ses débuts. Il y a bien sûr des périodes où l’on est obligé de batailler. Les médias en parlent par épisodes. Mais entre deux «événements», je puis vous assurer que le travail se poursuit.

S.-I.: Ne craignez-vous pas qu’à ce rythme, Swissmetro finisse par s’essouffler avant même d’avoir roulé?

R. N.: Non, au contraire. Le temps travaille pour nous. Notre meilleur promoteur, c’est bien sûr Adolf Ogi. Mais ce sont aussi les difficultés des CFF. Elles montrent les limites du chemin de fer. Elles montrent qu’il faut maintenant trouver autre chose, avoir des idées nouvelles. Plus le temps passe, plus Swissmetro s’incruste dans les esprits.

S.-I.: Est-ce que d’autres projets semblables existent en Europe? Swissmetro a-t-il un sens sans prolongement européen?

R. N.: L’autre projet, c’est Transrapid. C’est la moitié de Swissmetro puisqu’il circule a l’air libre sur des viaducs. Mais les Allemands ont de la peine à le vendre. Lorsqu’on se déplace en ville, on change continuellement de moyen de transport. Nous voulons donc montrer que Swissmetro est viable sans prolongement au-delà de nos frontières. Ce serait le métro de la Suisse comme la RATP est le métro de Paris. Maintenant, si Swissmetro avait la chance de connaître des prolongements à l’étranger, tant mieux! Nous serions ravis que Swissmetro s’intègre dans un Eurométro.

S.-I.: Que répondez-vous aux esprits désabusés qui affirment qu’un projet aussi ambitieux n’aboutira jamais dans un pays comme la Suisse?

R. N.: Si vous me demandez combien de chances nous avons aujourd’hui, je vous répond cent pour cent, au risque de paraître présomptueux! Il faudra bien trouver de nouveaux moyens de transport mieux adaptés au vingt et unième siècle. Pour l’instant, je ne connais pas de système plus performant.

(Suisse-Info n° 7, avril 1993)

 

Vingt ans de gestation

1974 – Rodolphe Nieth, ingénieur aux CFF, imagine un nouveau moyen de transport combinant des techniques connues: tunnel, sustentation magnétique (véhicules soulevés par aimantation) et propulsion magnétique.

1981 – Un groupe de chercheurs de l’EPFL s’intéresse au projet. Premières études.

1983 – Pour continuer ses recherches, l’EPFL demande des crédits à la Confédération, qui lui sont refusés.

1986 – Mandatée par l’Office fédéral des transports, la firme allemande Dornier confirme la faisabilité du projet.

1988 – Adolf Ogi apporte au projet un soutien politique et une publicité internationale.

1993 – L’EPFL vient remettre un rapport détaillé au Département des transports, et recherche des fonds.

 

En train comme en avion

Un tunnel traversant la Suisse d’ouest en est et du nord au sud. A l’intérieur, sous vide d’air partiel, des convois d’une capacité de 800 personnes environ se déplacent à une vitesse de plus de 400 km/h, soutenus magnétiquement à quelques centimètres des parois du tunnel, et propulsés également par la force magnétique.

Des stations seront aménagées sous les grandes villes: Genève, Lausanne, Berne, Lucerne, Zurich, Saint-Gall, Bâle, Bellinzone. Dans un second temps, ce sera Sion et Coire. Le déplacement entre chaque ville durera 12 minutes environ.

Tags:   Suisse-Info