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Moins de postes, plus de sport

Mais que font les enfants en dehors de l'école?, se demandait un journaliste de 24 heures il y a quelques jours. Il aurait pu s'arrêter à cette première phrase en réalisant que cela ne le regardait pas. Mais le travail d'un journaliste, comme celui de nombreux fonctionnaires de l'Etat, consiste justement à s'occuper de ce qui ne le regarde pas. Et à déplorer, donc, qu'«aucune étude d'envergure n'a encore été réalisée» sur ce sujet.

Heureusement, «cette période de doute vit ses derniers instants». Le Service cantonal de l'éducation physique et des sports - on suppose que les activités extra-scolaires, à l'instar des activités scolaires, ne peuvent être que sportives - va mener une grande enquête auprès de 12'000 petiots, pour un coût de 125'000 francs dont on nous jure qu'ils ne seront pas pris dans la poche du contribuable.

En admettant que cette manne tombe du ciel, faut-il pour autant la dépenser dans une œuvre aussi dépourvue d'intérêt? Mauvaise question: une étude sur les activités extra-scolaires est nécessaire puisque «le Canton ne dispose que peu de renseignements sur les activités extrascolaires». D'où la perspective de nombreuses autres enquêtes sur des thèmes où l'administration est encore mal renseignée: votre pointure de chaussure, votre marque de dentifrice préférée, l'heure à laquelle vous vous réveillez le matin, etc.

En l'occurrence, si l'enquête est envisagée sous l'angle du sport, ses résultats sont déjà connus. Toute étude sérieuse sur le sport, surtout si elle est menée par un service des sports, doit en effet aboutir à la conclusion que les citoyens ne font pas assez de sport et qu'il convient dès lors d'allouer des crédits supplémentaires audit service des sports.

Voyez au plan fédéral. La dernière étude réalisée par l'Office fédéral du sport pour justifier son existence aboutit très exactement à la conclusion que 64,1% des Suisses ne bougent pas assez. Il est ajouté au passage que la pratique d'une activité physique baisse avec l'âge - on ne l'aurait jamais su sans cette étude - et que le manque de mouvement entraîne chaque année en Suisse au moins 2000 décès - corrélation scientifiquement démontrée par le fait que les personnes décédées ne bougent généralement pas, mais qui ne dit toutefois rien du nombre de décès directement imputables à la pratique d'un sport.

Ces études ont un impact considérable sur la population, et les journalistes occupés à chercher des boucs émissaires suite aux dernières votations feraient bien de se demander si l'Office fédéral du sport n'est pas directement responsable du rejet de l'initiative «Poste pour tous» par des citoyens désormais convaincus que la raréfaction des offices de poste les obligera à marcher plus longtemps et leur garantira ainsi une longue vie et une bonne santé.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 1er octobre 2004)