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«Contre le mitage», pour un non-développement durable

Alors que la législation actuelle limite déjà sévèrement les zones à bâtir, les organisations écologistes voudraient aller plus loin et bloquer définitivement toute possibilité d’augmenter ces zones, même dans les régions où le besoin s’en fait sentir. C’est notamment le but de l’initiative populaire «contre le mitage», qui viendra en votation l’année prochaine.

Il y a en Suisse 72'000 logements vides, soit 1,62% du parc immobilier. Ces chiffres, publiés en octobre par l’Office fédéral de la statistique, confirment une tendance à la hausse. A la suite de plusieurs années de pénurie, l’offre a augmenté tandis que la demande se ralentissait. Le marché va donc devoir s’adapter, y compris avec des baisses de prix. Mais cela ne signifie pas pour autant que les besoins de nouvelles constructions vont se tarir. Certaines régions voient leur croissance démographique se poursuivre et il importe que l’offre de logement reste flexible.

La Suisse peine pourtant à concevoir une politique d’aménagement du territoire libérale qui admette ces mécanismes et la réalité qu’ils expriment. Alors que la législation fédérale a déjà été durcie au cours de ces dernières années, notamment au détriment de la marge de manœuvre des cantons, et que de nouveaux projets de révision se succèdent, les partis et organisations écologistes font de la surenchère en multipliant leurs revendications, en particulier par voie d’initiatives populaires.

La prochaine initiative sur laquelle nous aurons à nous prononcer, au début de l’année 2019, s’intitule «Stopper le mitage – pour un développement durable du milieu bâti». L’expression «développement durable du milieu bâti» ne figure ici que pour la décoration, car le texte vise à bloquer définitivement toute possibilité d’augmenter les zones à bâtir en Suisse. Concrètement, la création d’une nouvelle zone à bâtir ne serait admise qu’à condition d’en déclasser une autre, de surface équivalente et d’une valeur de rendement agricole comparable. Parallèlement, l’initiative demande que les collectivités publiques encouragent «des formes d’habitat et de travail durables dans des structures de petite taille se caractérisant par une qualité de vie élevée et de courts trajets (quartiers durables)».

Ces revendications dirigistes mêlées de bons sentiments font mine d’ignorer les sévères restrictions déjà imposées par l’actuelle loi sur l’aménagement du territoire, qui limite les zones à bâtir aux seuls besoins prévisibles pour les quinze prochaines années – ce qui va entraîner un nombre important de déclassements de zones jugées «surdimensionnées». Avec l’initiative «contre le mitage», même les besoins à quinze ans ne pourraient plus être satisfaits, et la diversité des situations cantonales et régionales serait ignorée. On risquerait alors de repartir vers des situations de raréfaction de l’offre, donc de pénurie de logements mais aussi de terrains pour les entreprises, et finalement de montée des prix.

Les zones à bâtir sont déjà très étroitement réglementées aujourd’hui. Il faut éviter tout verrouillage supplémentaire, que ce soit par une révision de la loi ou par des initiatives telles que celle «contre le mitage».

(L'Agefi, 15 novembre 2018)

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