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Catastrophe: il n'y a pas eu de catastrophe!

La presse réclame enfin une présence policière accrue dans les zones dangereuses

Tempête à Genève: deux morts! - Telle aurait pu être l'affiche de la Tribune d'hier si le peuplier qui a chuté au bout du quai Wilson s'était écrasé sur des enfants qui jouaient non loin. Ainsi débutait un article de la Tribune de Genève du 16 novembre, intitulé «La tempête n'a pas fait de victimes. Un vrai petit miracle!»

Un journaliste éprouve toujours quelque tristesse à ne pas avoir de catastrophe à étaler en première page, pas d'événement grave à annoncer, pas de coupable à dénoncer, ni d'inquisition à mener, pas de victime à livrer à la pitié populaire. Zorro sans boulot, c'est pas rigolo.

Heureusement donc qu'il reste la possibilité de donner des frissons dans le dos des lecteurs en leur décrivant les horreurs qui auraient pu se produire si les choses s'étaient déroulées autrement... Cela permet d'ailleurs aussi de jouer au justicier en accusant l'Etat de n'avoir rien fait pour éviter l'accident qui ne s'est finalement pas produit. Commentant toujours la tempête qui a dévasté les parcs publics genevois, et répondant à ceux qui estiment qu'on ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque arbre, l'auteur de l'article conclut sentencieusement: «Non, mais on peut les mettre devant.»

Gageons que, dans ce cas précis, l'engagement d'un drone de surveillance n'aurait pas soulevé la moindre protestation. Dans l'imaginaire collectif fiévreux des journalistes, les peupliers sont beaucoup plus dangereux que les les incendiaires de voitures.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 26 novembre 2004)