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Le jeu des chiffres et des lettres

Le peuple et les cantons ont accepté un ensemble de modifications constitutionnelles réorganisant divers partages des compétences et instituant un nouveau système de péréquation financière. Projet complexe qui a fait dire à de nombreux journalistes que les citoyens avaient voté sans vraiment comprendre de quoi il s'agissait.

Ce qui est sûr, c'est que l'affaire était moins complexe par son contenu que par le nom qu'il fallait lui donner. Désignée comme «Nouvelle péréquation fédérale» (NPF) il y a une dizaine d'années, elle est finalement devenue «Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches» (RPT). Dès lors qu'elle était soumise au vote en même temps que le «Nouveau régime financier de la Confédération» (NRF) et que la «Loi relative à la recherche sur les cellules souches» (LRCS), toutes les conditions étaient réunies pour que ceux qui apparaissaient les plus imbattables sur les tenants et aboutissants de l'opération se montrent finalement empruntés sur la manière de la nommer.

Au cours de la campagne, on a en effet pu lire un vibrant plaidoyer dont l'auteur, tout en tenant des propos cohérents sur le fond, s'est quelque peu emmêlé dans ses abréviations. L'ancienne et la nouvelle abréviation se retrouvaient soudain côte à côte pour désigner chacun des deux volets du projet: «réforme de la répartition des tâches (RPT) et nouvelle péréquation financière (NPF)». Qu'une des lettres ait fait figure d'intruse n'était qu'un détail: quatre lignes plus bas, tout avait changé, et les deux composantes de la réforme étaient devenues «la NPR et la NRT». Hommage sans doute au dossier voisin de la «Nouvelle politique régionale»... et à un savant mixage des lettres qui restaient sur la table. La suite de l'article hésitait entre «RPT/NPF» et «RPT» uniquement. Confusions peut-être explicables par le fait qu'elles émanaient du président du parti libéral suisse (PLS) qui s'exprimait dans le bulletin du parti radical-démocratique (PRD).

D'où la définition de la péréquation: jeu des chiffres et des lettres. S'agissant d'un grand succès populaire de la télévision, il est très injuste, voire méprisant, de dire que les citoyens n'y ont rien compris.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 10 décembre 2004)