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Christoph B., un an après

L'an I de la Terreur

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais un certain Christoph B. a été élu au Conseil fédéral il y a une année.

Depuis une année, jour après jour, une brigade de journalistes le suit, l'observe, le guette, l'épie, le sonde, le dissèque, lit dans ses pensées, décode ses sentiments les plus profonds, porte un jugement sévère sur ce qu'il a dit, sur ce qu'il n'a pas dit, sur ce qu'il a fait, sur ce qu'il n'a pas fait. A chaque geste du ministre, l'éditorialiste en faction décèle des malaises, des craintes, de l'arrogance, des contradictions, des négligences coupables, des stratégies dangereuses, des intentions sournoises, des tentatives de putsch, des dérives totalitaires, un interventionnisme excessif, une méconnaissance des dossiers, un excès de rigueur, un manque de rigueur, ou tout autre signe d'incompétence et de méchanceté. Ce que Christoph B. dit est scandaleux. Ce qu'il ne dit pas l'est plus encore, car il le pense.

L'insupportable présence du Diable au sein des Six Sages est ainsi devenue une rubrique régulière de la presse romande. Et la célébration de l'an I de la Terreur a permis d'en remettre une couche. Sur un ton savamment professionnel, on évoque comment il a brisé l'harmonie du Conseil fédéral, comment il a dicté ses choix à toute l'administration fédérale, comment il a privilégié son parti, comment il gouverne toute la Suisse d'une main de fer. On évoque un bilan «encore assez maigre» (Pierre Veya dans Le Temps), «plutôt négatif» (François Cherix dans 24 heures). Ces deux quotidiens avaient d'ailleurs choisi le même titre, mot pour mot: «Un an après». Original. Décoiffant. Chez tous les commentateurs, les mêmes commentaires, avec exactement les mêmes mots, les mêmes phrases, les mêmes expressions, les mêmes appréciations, les mêmes idées, si tant est qu'on puisse encore parler d'idées face à une production définitivement homologuée et uniformisée.

Face à la surface lisse de l'«opinion journalistique officielle» en Suisse romande, l'ignoble M. Corne-de-Cerf, subventionné par l'argent de nos impôts pour aller vomir sa haine de la Suisse à Paris, apparaît presque comme un original. Un original même assez bon marché, car les 180'000 francs qu'on lui a filés pour qu'il puisse badigeonner son cloaque ne sont rien en comparaison des salaires additionnés des trop nombreux éditorialistes que nous entretenons chez nous.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 24 décembre 2004)