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La voix de l’étranger

Les Suisses ont beaucoup à apprendre des étrangers. C’est ce que nous répètent chaque jour les journalistes et les politiciens. C’est aussi ce que nous a démontré M. Václav Havel lors de sa récente visite officielle dans notre pays.

La réception du président tchèque devait être «moderne». Le conseiller fédéral Moritz Leuenberger voulait montrer à son hôte «sa» Suisse «urbaine et contemporaine». Les provocations étaient programmées: musique militaire remplacée par du Mozart (faute d’avoir pu éliminer complètement la compagnie d’honneur), Guillaume Tell de Rossini joué par un orchestre de jazz, chœur d’hommes homosexuels, discours officiel autocritique.

A cet étalage d’un pays tourmenté et complexé, Václav Havel a répondu en évoquant l’attrait que la Suisse exerce sur lui depuis longtemps: «L’air de la fierté naturelle du pays natal, de son canton, de sa commune, l’air d’un patriotisme élémentaire, authentique, particulièrement précieux, car il ne porte pas la moindre trace d’orgueil, de prétention, de xénophobie.» Et d’ajouter: «Cet air original pourrait servir d’inspiration pour toute l’Europe.» Insistant pour visiter «les lieux qui ont une importance historique, symbolique et culturelle», le président de la République tchèque a aussi fait découvrir la prairie du Grütli au président de la Confédération, qui n’y avait jamais mis les pieds.

Les gens qui, d’ici, prônent l’ouverture oublient toujours soigneusement d’écouter les voix qui viennent de l’extérieur… Merci à M. Václav Havel, merci à ces étrangers brillants qui posent sur notre pays un regard contrastant singulièrement avec le dénigrement et l’auto-flagellation que nous infligent quotidiennement nos médias médiocres et nos lamentables notables.

(La Nation n° 1658, 13 juillet 2001)

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