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L'harmonisation rampante

L’autonomie fiscale des cantons, toujours combattue par une gauche réfractaire à l’idée même de concurrence, doit hélas aussi être défendue face à ceux qui prônent le système de concurrence mais dont l’esprit de système ne supporte pas la diversité des systèmes fiscaux helvétiques. Ainsi, à la fin des années septante, un nouvel article constitutionnel (art. 129 de la Constitution actuelle) a donné à la Berne fédérale la compétence de «fixer les principes de l’harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes». Il s’agissait uniquement d’une harmonisation formelle, et non d’une harmonisation matérielle, comme le précisait sur un ton rassurant l’alinéa 2: «L’harmonisation s’étend à l’assujettissement, à l’objet et à la période de calcul de l’impôt, à la procédure et au droit pénal en matière fiscale. Les barèmes, les taux et les montantsérés de l’impôt, notamment, ne sont pas soumis à l’harmonisation fiscale.»

La nécessité d’harmoniser était tout sauf démontrée, mais chacun s’est néanmoins accommodé de ce compromis bien helvétique qui devait permettre aux cantons de fixer le niveau de leurs impôts tout en respectant un minimum de règles communes… Sauf que le perfectionnisme administratif ne se contente jamais du minimum!

La mise en œuvre de l’harmonisation a pris du temps, et elle a laissé du temps aux cantons pour se mettre en conformité avec la nouvelle loi sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID). L’année passée, une commission d’experts a été chargée de faire le point de la situation. Dans son rapport, aujourd’hui en consultation, la critique principale porte sur le fait que certaines pratiques administratives cantonales jugées contraires à l’harmonisation ne font l’objet d’aucun recours de la part des contribuables, et qu’elles ne peuvent dès lors pas être attaquées par l’Administration fédérale des contributions. La commission d’experts préconise donc la création d’une commission de contrôle aux pouvoirs étendus, habilitée à examiner l’application de la loi dans les cantons et dont les avis ouvriraient la voie à des recours.

On peut bien sûr compatir à la frustration des fonctionnaires du Département fédéral des finances, privés du droit de surveiller et de contrôler les moindres faits et gestes des autorités fiscales des cantons… Il n’en reste pas moins que le droit de recours des contribuables est parfaitement suffisant et qu’il y a lieu d’adresser une fin de non recevoir aux propositions des experts fédéraux: la création d’une commission de contrôle appelée à analyser dans le détail toutes les pratiques cantonales excèderait les buts de la LHID et amènerait immanquablement les membres de ladite commission à se pencher sur des éléments d’harmonisation matérielle, franchissant ainsi un premier pas vers l’uniformisation de la fiscalité helvétique.

(La Nation n° 1764, 5 août 2005)

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