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Culture: un projet de loi fédérale

La Confédération a longtemps dû invoquer ses prétendues «compétences tacites» pour justifier ses interventions dans le domaine de la culture. Cette politique du fait accompli a été «régularisée» lors de la révision totale de la Constitution fédérale en 1999. Le nouvel article 69, tout en continuant d'affirmer que «la culture est du ressort des cantons», autorise désormais explicitement la Confédération à «promouvoir les activités culturelles présentant un intérêt national et encourager l’expression artistique et musicale, en particulier par la promotion de la formation».

Animée par un souci de rigueur juridique, l'administration fédérale a estimé que les compétences qui lui étaient nouvellement reconnues nécessitaient une transcription au niveau législatif. Un projet de loi fédérale sur l'encouragement de la culture a été élaboré et se trouve actuellement en consultation. On y trouve, pour l'essentiel, une systématisation de la politique de subventionnement par la définition de «programmes quadriennaux» et de «régimes d'encouragement» propres à chaque domaine culturel, ainsi qu'une répartition explicite des compétences des trois instances en charge de la politique culturelle, à savoir l'Office fédéral de la culture, la fondation Pro Helvetia et le Département des affaires étrangères pour ce qui touche aux manifestations culturelles à l'étranger. La procédure de consultation porte également sur une modernisation et une simplification des structures dirigeantes de Pro Helvetia.

Le projet de loi sur l'encouragement de la culture apparaît manifestement excessif puisqu'il instaure une machine à subventions lourde et rigide dans un domaine qui, si on lit correctement la Constitution fédérale, relève en premier lieu de la compétence des cantons, et où la Confédération devrait se contenter d'intervenir de manière subsidiaire et occasionnelle. De fait, on peut fortement douter que l'article 69 de la nouvelle Constitution fédérale ait besoin d'une loi d'application, qui amènerait immanquablement une extension de la mainmise fédérale sur la culture et une augmentation des subventions versées à ce titre.

Un autre point inadmissible est la volonté de la Confédération de s'immiscer dans des questions de formation, sous couvert de formation culturelle.

Enfin, à la lecture des documents mis en consultation, on ne peut s'empêcher de se demander s'il est vraiment utile de maintenir en parallèle l'Office fédéral de la culture et la fondation Pro Helvetia. L'effort louable pour définir précisément leurs compétences respectives ne suffit pas à démontrer clairement la nécessité de deux structures distinctes, l'une de 500 collaborateurs et l'autre de 170. Même les milieux culturels se plaignent parfois de la multiplicité des portes auxquelles ils doivent aller frapper. Mais la diversité des tâches que s'attribue la Confédération rend la question délicate: une fondation indépendante semble mieux à même de choisir les aides et les subventions à accorder, tandis que le contrôle des musées et des fondations appartenant à la Confédération paraît relever plutôt de l'administration elle-même.

Tout le problème vient évidemment de l’excès des ambitions fédérales en la matière. Si la conservation de certains biens culturels n’a rien de choquant à ce niveau, en revanche la conduite d’une politique culturelle globale, même à titre prétendument subsidiaire, n’aurait jamais dû figurer dans les attributions constitutionnelles de la Confédération.

(La Nation n° 1767, 16 septembre 2005)

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