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Pas d’impôts fédéraux sans approbation populaire

Le peuple et les cantons vont se prononcer sur une nouvelle prolongation des deux principaux impôts fédéraux. Cette validation régulière maintient une pression utile sur le pouvoir politique – et plus particulièrement sur l’impôt fédéral direct, provisoire depuis trop longtemps et contraire à une saine répartition fiscale.

On parle peu du second objet de la votation fédérale du 4 mars prochain. Il n’est certes pas facile de susciter un débat sur un texte que les deux Chambres du Parlement ont adopté à l’unanimité! Ce texte, en outre, est d’une rare simplicité puisqu’il tient en deux phrases: «L’impôt fédéral direct peut être perçu jusqu’à la fin de 2035. […] La taxe sur la valeur ajoutée peut être perçue jusqu’à la fin de 2035».

Le «régime financier 2021» de la Confédération – il s’agit en fait de la prolongation du régime actuel – n’est pourtant pas quelque chose d’anodin. Il s’agit de la base légale permettant de prélever l’IFD et la TVA, c’est-à-dire les deux principales sources de revenus de la Confédération. En 2016, ces deux impôts ont rapporté 43,5 milliards de francs, soit près des deux tiers des recettes fédérales.

Historiquement, la Constitution n’autorise le prélèvement de ces impôts que pour une durée limitée. A chaque échéance, le peuple et les cantons sont appelés à approuver la prolongation de ce droit. Actuellement, l’IFD et la TVA peuvent être prélevés jusqu’à la fin de 2020; si le «régime financier 2021» est approuvé le 4 mars prochain, ce droit sera prolongé de quinze ans.

L’enjeu est considérable: si les citoyens décidaient de refuser la prolongation, l’administration fédérale verrait disparaître plus de 60% de ses moyens financiers dans un délai de trois ans. Cela suppose une bonne dose de confiance entre la population et les autorités, ainsi qu’une capacité des citoyens à comprendre et à accepter l’utilité d’un impôt. Cette singularité helvétique n’en finit pas d’étonner les étrangers!

Cette admiration pour la vertu fiscale des contribuables n’est pas toujours partagée. Par défiance, par crainte, le Conseil fédéral avait proposé, en consultation, d’abolir la limite temporelle et de rendre l’IFD et la TVA définitivement pérennes… Mais il s’est ravisé et a finalement abandonné cette idée, heureusement.

Le droit de se prononcer régulièrement sur la validité des principaux impôts fédéraux doit absolument être maintenu. Il oblige les autorités à rechercher et à mériter la confiance des citoyens, selon l’adage: «Souviens-toi qui t’a fait roi!» Mais ce retour perpétuel devant le peuple a aussi une autre vertu: il maintient la pression sur l’impôt fédéral direct, introduit autrefois comme impôt de guerre et destiné à n’être que provisoire, mais que le pouvoir fédéral a ensuite refusé d’abandonner. Un jour où l’autre, il faudra, même si l’opération sera douloureuse, relancer le débat sur la suppression de l’IFD afin de rétablir une saine répartition fiscale: les impôts directs aux cantons, les impôts indirects (la TVA) à la Confédération.

Pierre-Gabriel Bieri, L'Agefi, 11 janvier 2018

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