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Des pervenches et des prunes

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Les Lausannois et les quelques personnes qui se rendent encore parfois dans la capitale ont appris cet été que «le stationnement entre 12h30 et 13h30 sera désormais payant dans l'hypercentre». Selon le chef du service des Routes et de la Mobilité de la Ville, il s’agit de «lutter contre les voitures ventouses qui restent stationnées entre midi et deux heures dans l’hypercentre».

On comprend clairement le désarroi des autorités: un automobiliste qui stationne à Lausanne pendant deux heures de temps – oui, vous avez bien lu: deux heures de temps, soit 7,2 billions de nanosecondes (7,2 x 1012) – abuse manifestement de la générosité publique en se comportant comme une ventouse! (Voire pire, car l’expérience démontre que peu de ventouses réussissent à tenir en place pendant deux heures.)

Les lecteurs auront noté au passage l’utilisation insistante de l’expression «hypercentre», qui flatte l’ego de tout municipal digne de ce nom et fleure bon le jargon élitaire des aménagistes du territoire (lesquels peuvent l’utiliser comme un discret signe de reconnaissance: «Il est des nôtres, il a dit hypercentre comme les autres!») Bref, les Vaudois sont très fiers de savoir que Lausanne possède un hypercentre, comme Vevey, Morges, Nyon, Yverdon-les-Bains et peut-être bientôt Pampigny ou Chavannes-le-Chêne.

Et maintenant, on fait quoi? Les esprits les plus hostiles au progrès et les plus insensibles au sort des millions de victimes de la pollution ont lancé une pétition pour annuler la décision de la Municipalité. Pour notre part, nous préférons réagir positivement et voir le bon côté de cette affaire: elle nous a appris quelque chose que nous ignorions totalement, à savoir qu’il était encore possible, jusque tout récemment, de parquer à Lausanne sans rien payer! Cette nouvelle, a posteriori, nous remplit d’une joie indicible.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2080, 29 septembre 2017)