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La Banane écrasée par un mot-valise

On a parfois l'impression que l'Université de Lausanne se résigne avec enthousiasme à perdre ses plumes, ses branches, ses facultés. A livrer son école de pharmacie à Genève. A remettre son pouvoir à M. Kleiber. Qu'elle se réjouit de n'être plus qu'un point au milieu d'un vaste réseau, à l'intérieur d'un pool de hautes écoles. Qu'il lui suffit d'enseigner l'aérobic, la psychophysiologie des activités physiques et la sociologie des parcours de vie. Dans cette course au non-être, il ne lui serait plus resté qu'à se saborder en imposant à ses reliquats d'abandonner leur nom et leur image.

Voilà qui est fait. Au début de juillet, l'UNIL annonçait fièrement qu'elle allait faire «peau neuve». Une peau neuve sur peu de chaires et beaucoup de pool, l'important étant le nouveau logo, griffonné de manière décoiffante, qui «exprime une vision très positive, moderne et ouverte sur le monde» et «incarne cette dynamique de changement, au service d'une volonté commune d'envisager l'homme et le vivant dans leur environnement naturel et social». Apparu brièvement sur les pages internet de l'institution, le savant délié pointant vers l'avenir a ensuite disparu vers la fin du mois, laissant discrètement l'ancien graphisme perdurer au bas de l'écran.

Mais la véritable révolution est à rechercher dans les nouveaux noms dont seront affublés les bâtiments. Les familiers «B1» et «B2» deviendront respectivement l'«Internef» et l'«Humense». La fameuse «Banane» s'appellera sinistrement l'«Unithèque». On trouvera encore l'«Amphipôle», l'«Amphimax», le «Cubotron», le «Biophore», le «Génopode» et le «Batochime». Voilà qui est clair! L'auteur de ces horreurs, inventeur du terme «arteplage» pour Expo.02, «ne doute pas que le public (...) percevra sans peine les idées-force de ces mots-valises» qui «s'inspirent de l'histoire, de la forme et des caractéristiques propres de chaque bâtiment».

On rapporte que certains croient avoir perçu, et qu'ils se demandent si la future animalerie de l'UNIL – rectangulaire et remplie de rongeurs – ne va pas être baptisée «Recto-rats».

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 5 août 2005)