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Trop, assez ou pas assez? Trop!

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Comme vous l’avez sans doute remarqué, il n’est plus possible aujourd’hui d’acheter, de commander, de réserver, de regarder, de visiter, de lire ou de manger quoi que ce soit sans être consécutivement soumis au supplice de l’enquête de satisfaction.

Séjour à l’hôtel, vol en avion, visite d’un lieu touristique, suivi d’un cours de formation, rendez-vous chez votre garagiste, à chaque fois, celui qui vous vend quelque chose – ou son lointain commanditaire – vous pose ensuite mille questions pour savoir si vous être très satisfait, globalement satisfait, plutôt satisfait ou, au moins, un peu satisfait. Si le service, la qualité, le prix étaient conformes à vos attentes. Si vous avez des propositions d’amélioration à formuler et si vous reviendrez une prochaine fois. Si vous étiez là à titre privé ou professionnel. Quel est votre âge, votre sexe, votre nationalité, votre niveau de formation et de revenu et si vous possédez des animaux domestiques. En vous garantissant que vos réponses seront traitées de manière confidentielle et en aucun cas transmises à des tiers. Et en vous remerciant et en vous félicitant.

Bon, d’accord, l’idée de pouvoir exprimer son avis n’est pas absurde. Elle n’est même pas mauvaise du tout. (Autrefois, dans les bons restaurants, le chef, s’il était sûr de recevoir une réponse positive, venait à la fin du repas demander à ses clients si tout s’était bien passé.) Mais comme toutes les bonnes idées, après avoir germé dans un cerveau créatif, elle a ensuite été copiée et recopiée cent millions de fois par des gens incapables de la trouver par eux-mêmes et qui appliquent cette recette à la mode sans vraiment s’intéresser à votre avis. A tel point qu’aujourd’hui, les seuls services qui ne soient pas soumis à des enquêtes de satisfaction sont les contraventions pour excès de vitesse et… les enquêtes de satisfactions elles-mêmes. (Qu’avez-vous pensé de notre manière de vous interroger sur ce que vous en pensez? Avez-vous été un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout satisfait de pouvoir exprimer votre satisfaction?)

En l’occurrence, nous nous réjouissons de ne pas savoir si la présente chronique vous a satisfait, édifié, enrichi, laissé sur votre faim ou seulement déçu en bien, si vous l’avez lue pour des motifs privés ou professionnels, vautré sur votre canapé ou en équilibre sur un banc public. Et nous refusons ne serait-ce que d’envisager l’idée que vous puissiez avoir des propositions d’amélioration.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2062, 20 janvier 2017)