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Europe ou Suisse, l’essentiel est de s’adapter

Il y a quelques mois de cela, certaines boîtes aux lettres de la région avaient vu arriver de bien curieux courriers. L’enveloppe avait été postée au Danemark; le questionnaire, sans lettre d’accompagnement, était rédigé entièrement en anglais; l’enveloppe pour le retour, à affranchir, portait l’adresse d’une P.O Box à Gland (Switzerland). Les explications succinctes du questionnaire indiquaient qu’en le remplissant, nous pouvions faire figurer les données de notre entreprise dans un fichier Eurecom – «the» business database for the European community. Sur la première page, on lisait que l’inscription de notre adresse était gratuite; sur la dernière était indiqué le prix d’inscription des caractéristiques de l’entreprise, libellé en dollars.

Un des destinataires a peu apprécié le goût douteux de ces envois répétés et l’a fait savoir clairement et en port dû. Un seul? Peut-être plusieurs… Toujours est-il que le ronchon de service a reçu récemment une même enveloppe, mais postée à Bâle. Le questionnaire, reconnaissable, était rédigé entièrement en… allemand. L’enveloppe-réponse n’avait pas changé. Il s’agissait cette fois de faire figurer les caractéristiques de notre entreprise dans le fichier Made in Switzerland – Bezugsquellen-Datenbank des Handels, des Gewerbes und der Industrie. Le prix d’inscription était rédigé en francs suisses.

Comme quoi l’idéologie n’est qu’une façade: dans notre monde-en-pleine-mutation, il faut savoir s’adapter au goût des clients pour leur soutirer quelques dollars ou quelques francs. Quelqu’un n’aime-t-il pas les entêtes bleues à étoiles jaunes, on lui en proposera des rouges à croix blanche. Et s’il insiste encore, on lui en enverra des vertes et blanches, ou alors aux couleurs de sa commune. N’est-ce pas très bien ainsi?

(La Nation n° 1479, 3 septembre 1994)

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