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Heureux les pauvres en médias

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Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait.

Nous avions cité cette phrase cet été, après le vote sur le Brexit. Faut-il réécrire la même chose aujourd’hui, après l’élection présidentielle américaine?

Car enfin, c’est bien de cela qu’il s’agit: les citoyens américains sont «sortis des sentiers battus», ils ont «osé le changement», comme les journalistes nous y exhortent quotidiennement. Pourtant, les journalistes ne sont pas contents. Pas contents du tout, même. En fait, on a plutôt l’impression qu’ils n’aiment pas tellement le changement et préfèrent se réfugier dans le confort douillet de leurs sentiers battus. A force de rester engoncés dans leurs certitudes d’un autre âge, ils ratent le train de l’Histoire. Ils ne sont déjà plus en phase avec le monde d’aujourd’hui, ce qui pousse leurs concitoyens à ne même plus les lire ni les écouter. Et ça, ça fait bobo à leur ego, qui dès lors enfle et enfle encore… Ils cherchent donc des coupables, des «boucs émissaires», des «moutons noirs». Et ils en ont trouvé: internet, les réseaux sociaux, et plus précisément les «sites de fausses nouvelles», comme ils les appellent (Le Temps du 18 novembre), dont l’audience dépasse désormais «celle des médias classiques et de leurs informations sourcées, recoupées et vérifiées» (sic!!!). Les gens qui consultent ces mauvais sites (tout comme les Nord-Coréens qui se risqueraient à acheter un journal étranger) présentent «un risque de développer une vision du monde simpliste, d’être abusés par des informations mensongères ou par de la propagande». Ils deviennent ainsi des «citoyens de deuxième catégorie» (c’est le gros titre du Temps) ou, comme l’affirme une très sérieuse «étude», des «indigents médiatiques».

Vous avez bien lu: des «indigents médiatiques».

Salauds de pauvres!

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2058, 25 novembre 2016)