La boîte des pandores est ouverte

Les réseaux sociaux bruissaient, la semaine passée, autour du cas d’un individu qui se serait fait retirer son permis de conduire «à titre préventif» alors que, après avoir consommé un peu trop d’alcool, il rentrait chez lui… à pied.

L’information a été propagée par ce qu’on appelle la presse de caniveau; alors, forcément, on se méfie; le journaliste a probablement déformé les faits, gonflé ceux qui servaient sa démonstration, tu ceux qui la contredisaient ou l’atténuaient. Et il n’y a pas que le journaliste: les défenseurs des automobilistes ont aussi souvent de la peine, dans l’exercice de cette noble cause, à s’extraire de leur confortable malhonnêteté intellectuelle qui les empêche de distinguer entre la répression abusive (qui existe) et la répression justifiée (qui existe aussi). Alors quoi? Est-ce vraiment vrai qu’on risque autant de perdre son «bleu» en rentrant prudemment à pied qu’en se mettant témérairement au volant? (Car si le risque est le même, le choix est vite fait…)

Méfiance, méfiance, méfiance, donc… Il faudrait se renseigner par soi-même, surtout pour écrire quelque chose d’intelligent. Mais à quoi bon? Dans le domaine de la répression «anti-bagnoles», comme dans celui de la répression des idées politiquement incorrectes, ou de la répression des produits malsains (tabac, alcool, sucre, sel, gras, viande), ce qui semblait surréaliste hier est devenu monnaie courante aujourd’hui, et ce qui n’est peut-être pas encore tout à fait exact aujourd’hui le sera donc probablement demain…

Partons donc de l’idée que, d’ici peu de temps, les piétons – qui ne sont jamais que des automobilistes ayant trouvé une place de parc, ce qui est de plus en plus rare – se feront retirer leur permis de conduire lorsqu’ils auront été surpris à marcher beaucoup trop vite dans une zone résidentielle, sans respecter la priorité de droite, sans avoir dégivré les verres de leurs lunettes ni chaussé leurs bottes d’hiver, et sans transporter le triangle de panne réglementaire dans leur sac, lequel n’aura d’ailleurs pas été arrimé correctement sur leur dos… Sans oublier, bien sûr, tous ceux qu’il faudra amender pour défaut de permis!

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2055, 14 octobre 2016)