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«Dessine-moi un mouton qui rit», dit le petit Prince

Les Liechtensteinois ne rigolent pas assez, selon le gouvernement de la Principauté. L'exécutif a donc décidé de plonger ses concitoyens dans le monde de l'humour grâce à un expert, le théologien et psychanalyste viennois Alfred Kichmayr. Le spécialiste, auteur de nombreux ouvrages sur le rire, donnera une conférence la semaine prochaine à Balzers. Sa venue dans la Principauté s'inscrit dans le cadre d'une campagne du département de la santé, a indiqué l'exécutif.

Voilà une nouvelle très sérieuse qui nous fait bien rigoler. Mais on ne sait pas si elle aura le même effet sur les principaux intéressés car ni le nom ni les titres de cet «expert», ni le fait qu'il soit l'auteur de nombreux ouvrages, ne donnent vraiment envie de rire. Et puis l'humour germanique doit être bien différent de l'humour latin si l'on songe que notre nouvelle ordonnance fédérale sur la protection des animaux, concoctée par une bande d'illuminés frappadingues capables d'exterminer la race humaine par amour des coccinelles, et qui a suscité l'hilarité générale des journalistes français, a été accueillie avec beaucoup de sérieux par leurs homologues allemands.

Et puis, ne cesserions-nous pas de rire, nous, si quelque fonctionnaire blafard et sentencieux décrétait que nous rions trop peu et décidait d'engager, à nos frais, un psychanalyste théologien? Ou d'édicter une loi fédérale sur le rire? On voit par là qu'en matière de contrôle social, même une principauté peut, de nos jours, se comporter comme une république soviétique.

Si l'on admet, par hypothèse, que le prince Hans-Adam II von und zu Liechtenstein n'ira pas jusqu'à abdiquer pour laisser sa place au clown Ronald et que la fin du monde annoncée pour ce mercredi n'aura pas eu lieu au moment où vous lirez ces lignes, que pourrions-nous faire pour aider nos voisins à se dérider? Qu'avons-nous à leur proposer? Chez nous, entre le politiquement correct, l'étatisme rampant, le totalitarisme mou, les politiciens, les journalistes, les écologistes, les ours, l'école vaudoise et Calamity-Rey, il y a hélas moins à rire qu'à pleurer. Reste un sujet qui fasse encore sourire: les botellónes. Suggérons alors au Département de la santé du Liechtenstein de convoquer ses administrés à de grands botellónes officiels – avec du vin vaudois bien sûr, dont les vertus euphorisantes ont été maintes fois démontrées.

En dernier recours, et ceci dit sans fausse modestie, on songera à abonner les Liechtensteinois à La Nation*. Certains lecteurs rient, paraît-il.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 12 septembre 2008)


* Sachant qu'ils sont environ 35'000 et que le prix de l'abonnement est fixé à 69 francs, il en coûterait à la Principauté la modique somme de 2'415'000 francs suisses, voire moins si l'on songe que les apprentis et étudiants bénéficient d'un prix réduit à 30 francs. A comparer avec les honoraires du professeur Kichmayr.