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Notre dernier reste de souveraineté se trouve dans les sacs-poubelles

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«Siffler la fin de la récréation.» Ou de la «récré», pour faire plus cool. Voilà une expression que les journalistes affectionnent particulièrement. Plus exactement, les journalistes généralement réfractaires à l’autorité emploient cette expression lorsque, exceptionnellement, un acte d’autorité leur plaît – parce qu’il vise des personnes qui ne leur plaisent pas.

La dernière fois qu’ils ont utilisé cette expression, c’était lorsque la ministre vaudoise du territoire et de l’environnement a découvert qu’un petit village peuplé d’irréductibles Vaudois résistait encore et toujours à la taxe-poubelle, et qu’elle a donc décidé de remettre aux pas ces quelques dizaines de pollueurs qui menacent l’écosystème mondial.

Sur le fond, on ne peut pas lui donner entièrement tort. La loi doit être appliquée par tout le monde, sinon il faut la changer ou l’abroger. (En voilà une bonne idée, non?…)

Ce qui est gênant, c’est que, 1) dans la société actuelle, les lois ne sont jamais imposées de la même manière à tout le monde; les autorités ont toujours leurs chouchous qui peuvent faire ce qu’ils veulent en toute impunité (les cyclistes, les migrants, les journalistes, etc.); et 2) il y a quelque chose de peu glorieux à rouler les mécaniques et à jouer les durs vis-à-vis des petits, quand au même moment on rampe piteusement devant les plus grands (ou supposés tels).

Nous ne parlons pas ici de la libération de Nelson-le-cygne-noir, épisode au cours duquel notre ministre s’est affichée en cygnophile fédéraliste et a crânement tenu tête à une armada de juristes fédéraux. En revanche, on n’oublie pas et on continuera à ne pas oublier que, dans le domaine de l’aménagement du territoire, le gouvernement vaudois a tantôt trahi le Canton en soutenant le transfert des pleins pouvoirs à la Confédération, puis a joué les offusqués en découvrant que la Confédération allait effectivement exercer ces pleins pouvoirs avec une souriante brutalité. Aujourd’hui, le moindre déplacement d’une motte de terre, et à plus forte raison tout projet de développement utile au Canton, doit passer sous la loupe vétilleuse de fonctionnaires fédéraux qui n’ont sans doute jamais mis les pieds chez nous, et qui rendent des avis impeccablement négatifs en expliquant aux gentils Indiens-Welsches qu’ils ne peuvent pas construire «n’importe quoi» dans leur réserve naturelle.

Pourquoi les Vaudois ne feraient-ils pas comme les Valaisans? On construit ce qu’il nous faut et ensuite on envoie les plans à Berne, en courrier B et en oubliant l’enveloppe-réponse… Hélas, le Vaudois éprouve l’amour des lois, surtout des lois étrangères. Alors on obéit, on renonce à construire, on attend que Leurs Excellences du Bundesamt für Raumentwicklung accordent un geste de bonne volonté… et en attendant on soigne son amour propre en envoyant quelques divisions blindées rétablir l’ordre écologique à Mauborget. Pour qu’on sache qui commande dans c’Canton!

Justement, on sait que ce sont désormais des juges étrangers qui commandent. Pourquoi ne pas lancer une initiative populaire pour rétablir la primauté du droit cantonal?

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2052, 2 septembre 2016)