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CO2: la Confédération fait du zèle

Les buts actuels du Conseil fédéral sont essentiellement ceux définis dans le rapport sur la politique extérieure. Pour atteindre ces buts, la Confédération s’emploie à prendre des mesures dont les caractéristiques communes sont d’être inefficaces et extrêmement coûteuses. Ainsi la promotion de la paix exige la création de casques bleus suisses qui satisferont quelques bonnes consciences belliqueuses. Ainsi la défense des droits de l’homme impose une loi antiraciste qui punisse les citoyens politiquement incorrects et fasse faire un grand pas à la morale. Ainsi encore, la protection de l’environnement nécessite une action énergique et déterminée contre le CO2, aussi appelé gaz carbonique.

Les milieux scientifiques ne semblent pas encore s’accorder sur les effets réels des émanations de CO2 résultant de la combustion du bois, du charbon ou du carburant. Les plus alarmistes annoncent un réchauffement généralisé de la Terre entraînant la font accélérée des glaciers et des icebergs, l’élévation du niveau de la mer et des inondations catastrophiques. Outre les contestations sur la réalité ou la proportion de ce réchauffement, les prévisions des quantités de CO2 produites au cours des prochaines années varient presque du simple au double. La diminution des émanations de CO2 supposerait une réduction de la consommation mondiale d’énergie, incompatible avec la croissance économique. Une telle réduction est presque impensable si l’on songe aux fabuleux marchés que le développement de certaines régions offre aux producteurs occidentaux.

Dans ce contexte, comment juger la proposition de la conseillère fédérale Ruth Dreifuss d’introduire une taxe sur le CO2? Les grands pays industrialisés – donc pollueurs – comme les Etats-Unis ou le Japon ne sont pas près d’adopter un pareil système, car leur marché de l’automobile s’en ressentirait. Pour ne pas être les dindons de la farce, les pays de l’Union européenne n’en voudront donc pas non plus; les discussions qui ont eu lieu à Bruxelles sur un projet de taxe CO2-énergie ont montré l’opposition de la Grande-Bretagne et des pays du Sud. Que resterait-il alors? La Suisse, affrontant seule la «catastrophe écologique» en augmentant les prix du mazout (entre 28% et 48%), du gaz (jusqu’à 26%), du charbon (109%), de l’essence (de 6 à 8%)? Par rapport aux quantités de CO2 émises dans le monde (30 ou 40 milliards de tonnes), c’est une farce. Mais une farce qui pourrait nous coûter cher.

La Confédération en tirerait-elle au moins, motivation compréhensible, de substantiels profits? Même cela n’est pas sûr. Pour rendre le projet plus alléchant, on promet des redistributions: diminutions insignifiantes des primes d’assurance-maladie, vague allégement des charges sociales des entreprises, subventions aux économies d’énergie et au développement d’énergies non polluantes. Ces redistributions ne satisferont entièrement personne, mais amèneront un alourdissement de la bureaucratie, qui grignotera avidement les maigres gains espérés par Otto Stich.

Alors pourquoi? Pour apaiser la conscience chargée de Mme Ruth Dreifuss? Pour la fierté de donner des leçons de morale au reste de l’Univers? C’est de la démagogie, non de l’écologie!

(La Nation n° 1468, 31 mars 1994)

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