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L’abus des armes et celui de la centralisation

Parmi les multiples questions qui seront soumises à la sagacité des citoyens le dimanche 26 septembre, la première concerne, nous dit-on, l’usage abusif des armes. A ceux que le thème intéresse, les explications de la brochure officielle n’apprendront hélas rien.

On y trouve d’abord de l’autoculpabilisation. Les législations cantonales sur les armes présentent des disparités, malgré le concordat du 27 mars 1969, et les lacunes de certaines d’entre elles profiteraient à toute la pègre internationale. Selon le Conseil fédéral, «des crimes commis en Suisse ou à l’étranger avec des armes achetées dans notre pays ont valu à celui-ci la réputation peu glorieuse d’être un supermarché où les criminels et les organisations terroristes viennent s’approvisionner en armes». La Suisse à la remorque de l’Europe, refrain connu.

On y trouve aussi de l’autosatisfaction. Sur les trois pages consacrées à ce sujet, il est fait six fois allusion aux «traditions libérales de la Suisse». Tout est fait (trop peut-être) pour rassurer les amateurs de chasse et de tir ou les collectionneurs, dont le droit d’acquérir, de posséder et de porter des armes devrait être préservé.

Nous, on veut bien. Seulement toutes ces belles promesses ne se retrouvent pas dans le texte soumis au vote, qui ne dit qu’une chose: «La Confédération édicte des prescriptions contre l’usage abusif d’armes, d’accessoires d’armes et de munitions.» Quelle prescriptions? Il faudra attendre pour le savoir…

C’est là qu’apparaît le véritable enjeu de cette votation: il ne s’agit pas tellement de savoir si on doit et comment on doit lutter contre l’usage abusif d’armes, puisque le texte ne précise pas quelles prescriptions la Confédération va édicter. Non, en fait il s’agit simplement d’un transfert de compétences (un de plus) des cantons vers la Confédération. Comme si le seul fait de confier ce soin à une juridiction plus étendue était un gage d’efficacité.

On peut se demander s’il ne vaudrait pas mieux encourager les cantons à renforcer leurs dispositions en la matière, plutôt que donner carte blanche à la boulimie des législateurs fédéraux. On peut aussi se demander si ceux qui viennent acheter leurs armes chez nous ne contreviennent pas aux lois en vigueur plus qu’ils ne profitent de leurs lacunes: auront-ils plus de respect pour les lois fédérales que pour les lois cantonales?

Lutte contre la criminalité, contre la drogue, autant de prétextes par lesquels on touche les bons sentiments de la population et on lui voile les vrais débats.

(La Nation n° 1454, 18 septembre 1993)

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