Au nom des jeunes tout-puissants!
Pour ou contre un article constitutionnel sur Dieu
Comme Mitterrand aura laissé la Pyramide du Louvre, Arnold Koller aura essayé de laisser une nouvelle Constitution fédérale. C’est bien, mais pas assez. Son projet n’est pas assez novateur, il ne nous bouscule pas suffisamment. Il a oublié de supprimer l’invocation divine du préambule!
Le Conseil suisse des activités de jeunesse, le trop connu CSAJ, trouve que ce texte «sonne aujourd’hui comme un vieux refrain démodé». Certains aiment les vieux refrains, mais pas le CSAJ, qui lance un concours d’idées auprès de tous les enfants csajes pour réécrire le préambule en mettant en évidence «d’autres valeurs fondamentales, d’autres perspectives». Les gagnants recevront des sucettes ou des chiclettes, ou peut-être des joints. On va se ramasser une méga-constit’ hyper cool, pleine de pub et de jeux, et surtout on sera débarrassé de ce vieux barbu auquel plus personne ne croit. Place aux jeunes!
Arnold Koller, pour se racheter, a semblé enthousiasmé par cette initiative; il vaut mieux être enthousiasmé par les jeunes que blâmé par les journalistes. Le secrétaire de la Conférence suisse des évêques est moins enthousiasmé («Comment imaginer une Constitution qui ne commence pas par invoquer l’Autorité suprême?»), mais il sait se racheter: «En participant à ce concours, les jeunes vont perdre une énergie qu’ils feraient mieux de consacrer aux droits sociaux des migrants ou des femmes.» Quant au président des jeunes démocrates-chrétiens valaisans, il pense aussi qu’il faut garder l’invocation divine, mais qu’on pourrait trouver «quelque chose de plus doux» que «Dieu tout puissant». Et plus «doux» que «démocrate-chrétien», ça donnerait quoi?
Le Ronchon, lui, songe avec nostalgie au temps où l’on brûlait les hérétiques.
(Le Coin du Ronchon, La Nation, 19 janvier 1996)