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Culture et déconfiture

Les pékins boudent les spectacles des faquins

Ça ressemble à n'importe quel autre rapport fédéral: épais, gris graphisme recherché, idées creuses recopiées d'un chapitre à l'autre. C'est le rapport annuel 1998 de l'Office fédéral de la culture, office dont le seul aspect remarquable jusqu'ici était d'agir conformément au mot le plus long de la langue française: anticonstitutionnellement. Ce qui ne troublait pas le moins du monde ses fonctionnaires puisque «l'encouragement de la culture est incontestablement une tâche fondamentale de la Confédération».

La nouvelle Constitution a enfin réussi à faire passer en douce cette compétence, ce qui permet à l'Office fédéral de la culture d'exprimer de nouvelles ambitions: définition d'une derrick table «politique nationale», élaboration d'un «Rapport sur la culture», renforcement de la centralisation au service de l'efficacité.

De l'efficacité, justement, parlons-en: la lecture de ce rapport à ceci – et ceci seul – de réjouissant que les «culturistes» fédéraux y dressent, piteusement mais explicitement, la longue liste de leurs bérézinas. Les anniversaires de l'Etat fédéral et de la République Helvétique devaient «susciter un large débat» et «réserver une large place à la convivialité», mais «de fait, la population a vécu cette année commémorative sans grand enthousiasme». A tel point qu'«il est difficile d'apprécier dans quelle mesure la commémoration du 150e anniversaire de l'Etat fédéral a renforcé la cohésion nationale et amélioré la compréhension mutuelle». La participation suisse à la Foire du livre de Francfort «sortait de l'ordinaire, ce qui n'a d'ailleurs pas été sans susciter une certaine controverse»; le bilan «positif» semble venir des coupures de presse consacrées à cette manifestation, qui «remplissent plus de dix classeur fédéraux». Côté cinéma, «1998 n'a pas été une bonne année». Enfin, une «ambitieuse exposition» sur «L'invention de la Suisse – Esquisse d'une nation» a suscité «un large écho dans la presse. Le large public (sic!) n'a toutefois pas montré le même intérêt, le nombre d'entrées étant resté bien inférieur aux attentes du musée».

On a coutume de dire que la culture, c'est comme la confiture… Cette dernière s’étale généralement sur du pain sorti tout droit du four. C'est sans doute ce dernier mot qui fait le lien avec l'Office fédéral de la culture.

(Le Coin du Ronchon, La Nation, 30 juillet 1999)