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Les marxistes n’existent plus, nous les avons rencontrés!

La Première Internationale a disparu de la scène; la Deuxième se «pourrifie»; la Troisième a été récupérée par l’affreux Staline. Infatigables, les futurs pères et mères de la société égalitaire en ont créé une quatrième, dans les années trente déjà, sur les traces de feu le regretté Léon Trotsky. Quasiment ignorée, donc protégée de la déviation et de la disparition, elle existe toujours.

C’est ce que nous ont appris les militants jeunes de la IVe Internationale lors d’une réunion de présentation organisée à l’Université de Lausanne. Deux militantes (dont une arrivée en retard), fort sympathiques au demeurant (mais qu’allaient-elles donc faire en cette galère?), devant un public équilibré de six gauchistes (deux «masnatiens», un idéologue susceptible, un chevelu et deux non identifiés) et de six réactionnaires purs et durs qui se tenaient discrètement les côtes.

Le marxisme est-il toujours d’actualité? Voilà la question que pose la IVe Internationale, et à laquelle elle répond: oui. Le constat est celui que fait tout un chacun: le monde va mal, il y a des riches et des pauvres, du chômage, l’argent mène le monde, la spéculation dépasse la production, l’idéologie du néo-libéralisme s’impose partout. Seulement, les militantes du mouvement n’ont pas compris cela en ouvrant leurs yeux, mais en ouvrant les œuvres de Karl Marx. Et si une partie de l’analyse de Marx semble correspondre à la réalité, c’est sûrement que toute sa théorie et ses solutions sont aussi justes… Confusion entre la constatation des problèmes et les solutions qu’on voudrait leur apporter. Et l’on retombe alors dans la programme de l’idéologie égalitariste et socialiste: défense des acquis, défense des droits, entente internationale de la jeunesse, entente internationale des travailleurs, participation des travailleurs à la gestion des entreprises, et… grève générale pour en finir avec Orchidée! Et quand Lausanne ressemblera à Paris, on fera quoi?

Voilà donc l’essentiel des idées de la IVe Internationale pour résister et changer le monde. Rien de bien neuf, en somme. Le vin nouveau tiendra-t-il cette fois dans les vieilles outres? Réussira-t-on enfin à imposer, à la quatrième tentative, un monde meilleur? Les militants eux-mêmes semblent conscients des difficultés, et comme le dit cette jeune fille qui lit si bien Marx: «On n’est pas Dieu, on ne peut pas tout changer d’un coup!»

(Le Coin du Ronchon, La Nation, 22 décembre 1995)