Tous mes articles

Cynisme

Illustration

C’est bien connu: les victimes d’agression sont toujours, en partie au moins, responsables de ce qui leur est arrivé. Elles l’ont un peu cherché… C’est ce que disent les islamistes (et quelques autres) à propos des femmes qui se font harceler et malmener. C’est aussi ce qu’affirment les amis des animaux, et en particulier les défenseurs de Chalom.

Chalom n’est ni un chat ni un homme, mais un chien, qui, tout vaudois qu’il était, a tout de même grièvement mordu au moins cinq personnes et a été condamné pour cela à la peine capitale, puis finalement exécuté après des années de procédures et de recours.

La morale de cette histoire pourrait donc être: il l’a un peu cherché. Or, vous n’y êtes pas du tout: ce sont les victimes de ses morsures qui ont un peu cherché ce qui leur est arrivé; ce sont elles qui sont responsables de leur comportement, tandis que Chalom n’est que l’innocente victime de la méchanceté humaine. Car les animaux, de nos jours, doivent être traités en tous points comme des êtres humains, sauf… sauf que, contrairement aux êtres humains, on ne saurait les rendre responsables de leur comportement puisqu’ils sont intrinsèquement bons et purs. (Quelqu’un l’a dit une fois: L’animal naît bon, c’est la société qui le corrompt.)

Fort de cette certitude, et parce que Chalom signifie «paix» en hébreu, les fidèles et inconsolables partisans du chien abattu ont déclaré la guerre à la conseillère d’Etat en charge du dossier, qui s’est retrouvée submergée d’insultes et de menaces de mort. L’amour des bêtes enseigne la bonté. Certains ont même prêté à Mme De Quattro des motivations antisémites. L’émotion aurait-elle été moins forte si le chien s’était appelé Saddam ou Mouammar? Et que se serait-il passé s’il avait été tué par un ours plutôt que par un humain? Quels défenseurs de quel animal auraient eu le dessus?

Cette dernière idée nous suggère une idée intéressante. Aujourd’hui, l’hystérie animalophile est telle qu’il est illusoire de vouloir se défendre même face à un clébard hargneux: la légitime défense ne sera reconnue par aucun juge et le mordu sera condamné, puis lapidé par une foule encore plus aveuglée de haine qu’un essaim de djihadistes. Mais si en revanche on se promène avec son ours de compagnie – que toutes les petites filles, toutes les grands-mamans et tous les écolos urbains trouveront adoraaaaaaaaable –, qui pourra nous en vouloir si ce dernier avale un hot dog au passage?

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2040, 18 mars 2016)