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Le communicateur

A l'ère de la communication, vous ne vendez plus rien si vous ne savez pas communiquer. Et comme vous êtes convaincu de ne pas savoir communiquer, vous avez besoin d'un communicateur. Pour vous convaincre que vous avez choisi le meilleur, vous précisez même qu'il s'agit d'un grand communicateur.

Sur la base de quelques observations et réflexions que nous avons notées durant la présentation d'un concept de communication destiné à la promotion des vins d'un canton que nous ne nommerons pas, nous sommes en mesure de vous indiquer comment reconnaître un vrai professionnel de la communication (prononcez: «un vrai pro de la com»).

Vous remarquez tout d'abord qu'il vous expose sa stratégie en vous lisant un texte imprimé en continu qui l'oblige à s'interrompre au milieu d'une phrase à chaque fois qu'il doit tourner une page et à perdre ainsi le contact avec son public. Vous regrettez qu'il n'ait pas pensé à adapter son document et vous sentez déjà une pointe de mauvaise humeur sourdre en vous.

Vous admettez cependant qu'il vous montre des projets d'affiches plaisants, techniquement soignés, où le produit est montré dans toutes ses subtilités et ses mouvements. La pointe de mauvaise humeur ne vous ayant pas encore quitté, vous vous demandez si ce superbe travail est l'œuvre de quelque obscur graphiste sous-payé et dont le nom restera inconnu.

Vous constatez ensuite qu'il exagère sa communication à votre égard, redoublant de flatteries et de sourires, ajoutant au passage, pour vous plaire, des majuscules à tout ce qui se rapporte à vous et vos produits, même aux adjectifs ou aux noms communs, ce qui est grammaticalement faux. Désormais de fort méchante humeur, vous soupçonnez qu'il réserve ses efforts de communication non pas à vos clients, mais à ses propres clients – en l'occurrence vous même – qu'il doit convaincre du bien fondé de ses honoraires.

Vous reconnaissez qu'il fait des efforts visibles pour s'imprégner de l'ambiance et de la culture de vos produits, mais vous persistez à penser que sa communication reste abstraite et susceptible de servir à promouvoir n'importe quel produit vaguement ressemblant.

Vous réalisez enfin à quel point il s'implique pleinement dans la marche de vos affaires lorsqu'il affirme à la fin de sa présentation: «Nous allons gagner!» – avec une conviction que vous devinez non feinte en ce qui le concerne personnellement.

(Le Coin du Ronchon, La Nation, 13 octobre 2006)