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Tunnel du Saint-Gothard: un second tube raisonnable et raisonné

Le tunnel routier du Saint-Gothard, ouvert en 1980, se compose d'un seul tube à deux voies, une dans chaque sens de circulation. Au cours de ces prochaines années, il devra faire l'objet d'importants travaux de réfection qui entraîneront sa fermeture durant près de mille jours.

S'agissant d'un axe de première importance tant pour le trafic international que pour la liaison entre le Tessin et le reste de la Suisse, on n'envisage pas de bloquer purement et simplement la circulation. Le Conseil fédéral, puis les Chambres, ont décidé de construire un second tube, semblable et parallèle au premier, qui accueillera le trafic durant les travaux. A la fin de ces derniers, les deux sens de circulation pourront s'écouler chacun dans un tube séparé, mais sur une seule voie. Cette restriction, certes un peu absurde, est imposée par l'article 84 alinéa 3 de la Constitution fédérale, qui prescrit que «la capacité des routes de transit des régions alpines ne peut être augmentée».

Pour que les choses soient claires, la loi votée par les Chambres précise encore cela: «La capacité du tunnel ne peut toutefois être augmentée. Il n'est possible d'exploiter qu'une seule voie de circulation par tube; si un seul tube est ouvert au trafic, il est possible de mettre en service deux voies dans le tube concerné, soit une voie pour chaque sens de circulation.» Le texte prévoit aussi explicitement le maintien de l'actuel dispositif de filtrage et de dispersion des poids lourds.

Toujours plus de poids lourds? Faux argument!

Un référendum a été lancé et a abouti; les Suisses se prononceront le 28 février prochain. Le projet de second tube est combattu avec la dernière énergie par la gauche écolo – un peu moins par la gauche travailleuse.

Le grief principal consiste à dire que le second tube va doubler la capacité du tunnel, violant ainsi l'article 84 de la Constitution. Cette affirmation est fausse puisqu'il n'y aura qu'une seule voie dans chaque sens, comme aujourd'hui. Mais une partie des opposants espère que, même faux, cet argument mille fois répété finira par effrayer la population. Certains justifient cette crainte en affirmant que la Suisse ne pourra pas résister aux pressions de l'Union européenne et sera tôt ou tard obligée de modifier la loi pour ouvrir deux pistes dans chaque sens. On se réjouit de voir la gauche prendre soudain conscience des menaces étrangères qui planent sur le pays! Mais si l'hypothèse de pressions européennes est certes plausible, il n'en reste pas moins que l'interdiction qui figure dans la Constitution ne pourrait pas être levée sans un vote positif du peuple et des cantons. Imaginer que les autorités seraient capables d'un coup de force violant la loi et la Constitution est invraisemblable, à tout le moins lorsqu'il est question de favoriser le trafic routier.

On doit encore souligner qu'il est faux de réduire la question du Saint-Gothard au problème des poids lourds, car la majorité du trafic est en réalité composé de véhicules légers immatriculés en Suisse.

Les défauts des «autres solutions»

Les seuls aspects rationnels du débat portent sur la possibilité de remplacer le second tube par «autre chose». On a évoqué la possibilité d'utiliser l'ancien tunnel ferroviaire, lorsque les trains emprunteront le nouveau tunnel de base. Le problème – outre les énormes travaux de gabarit et d'aménagement nécessaires pour transformer un tunnel ferroviaire en tunnel routier – est que des trains vont probablement continuer à circuler sur l'ancienne ligne, en plus de ceux qui passeront par le nouveau tunnel de base.

L'autre idée avancée consisterait en un service de ferroutage local entre Uri et le Tessin. Une telle solution nécessiterait toutefois la construction d'immenses plateformes de transbordement, qui devraient être démontées après les travaux, et peut-être reconstruites dans quelques décennies lorsque de nouveaux travaux seront nécessaires. En outre, la capacité d'acheminement du trafic serait nettement moindre qu'actuellement, en tenant compte aussi du fait que la ligne ferroviaire est déjà bien assez chargée sans accueillir un tel trafic supplémentaire.

L'intérêt du Tessin ne s'oppose pas à celui des cantons romands

Un ultime argument des opposants est de distiller la crainte que les projets d'infrastructures routières en Suisse romande souffrent d'un manque de financement si un nouveau tunnel est construit au Saint-Gothard. De la part des écologistes qui ont toujours soutenu les énormes investissements ferroviaires dans les Alpes, au détriment du Plateau, et qui combattent systématiquement le développement du réseau routier, y compris dans les cantons romands, un tel argument relève d'une mauvaise foi crasse. De plus, il n'est pas pertinent. Les travaux de réfection de l'actuel tunnel du Saint-Gothard vont de toute façon coûter cher, même sans second tube. D'autre part, la Suisse romande a désormais obtenu l'inscription de ses principaux projets autoroutiers dans les programmes fédéraux, en relation avec le nouveau fonds de financement FORTA dont la création imminente ne semble pas menacée et qui sera alimenté de façon stable et régulière. Les intérêts de l'arc lémanique peuvent ainsi être défendus sans porter atteinte à ceux de la Suisse italienne.

En conclusion, la faiblesse des arguments des opposants, mais aussi et surtout le gain de sécurité évident qui résultera de la séparation des deux sens de circulation, nous conduiront à voter OUI.

(La Nation n° 2036, 22 janvier 2016)

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