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Le sel, notre vice

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Il y a des gens qui se réveillent le matin avec le sentiment d'être inutiles et inintéressants. Ils cherchent alors obsessionnellement un moyen de faire parler d'eux, mais aussi de se venger en pourrissant la vie de tous ceux qui ont l'outrecuidance d'être moins médiocres.

C'est la réflexion qui nous est venue à l'esprit en lisant ce qui suit dans le journal 20minutes du 2 décembre:

Depuis mardi [à New York], des pictogrammes représentant une salière ont fait leur apparition sur les cartes, pour prévenir de la haute teneur en sel de certains plats. Il apparaît désormais à côté des plats en contenant au moins une cuillère à café. […] Cette mesure a donné des idées au conseiller national Manuel Tornare (PS GE). Relevant qu'un apport élevé de sel est mauvais pour la santé, en particulier pour les enfants et les personnes âgées, il s'apprête à déposer une intervention demandant que des avertissements similaires apparaissent sur les menus et l'emballage des produits industriels en Suisse.

Certains, ironiques, se demandent s'il faudra aussi dessiner une salière sur la facture (car une telle obligation entraînerait des coûts pour les restaurateurs, pour l'industrie alimentaire, voire pour un opérateur téléphonique, sans oublier l'Etat qui se régale au passage). D'autres, plus pessimistes, tentent d'évaluer ce qu'il nous restera à manger si, après avoir banni les sucreries, nous devons maintenant renoncer aux plats qui contiennent «une cuillère à café» (!) de sel. Même les Nord-Coréens finiront par avoir pitié de nous.

La suite de l'article n'est pas moins édifiante:

Son collègue Jonas Fricker (Verts AG) salue l'initiative, mais imagine une solution moins contraignante, laissant le choix aux restaurants et entreprises de le faire ou non.

Une loi fédérale pour «laisser le choix» de dessiner ou non des salières? Voilà une idée qui vaut son pesant de cacahuètes! A moins que ce M. Jonas se complaise dans les poissons d'avril.

Nous avons nous aussi quelques idées pour développer le bonheur de l'Humanité. Payer les parlementaires à condition qu'ils ne fassent plus rien, en leur infligeant des pénalités à chaque fois qu'ils émettent une proposition, serait trop commun. En revanche, on pourrait obliger les annuaires à imprimer, à titre d'avertissement, des bonnets d'âne à côté du nom de tous les politiciens nuisibles. Une chose est sûre: cela ferait couler beaucoup d'encre.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2033, 11 décembre 2015)