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Horreur de la mercatique ciblée

Nous trouvons parfois dans nos boîtes aux lettres des offres pour des babioles sans aucun intérêt mais néanmoins – paraît-il – réservées expressément à notre nom, strictement personnelles et rigoureusement intransmissibles. La faveur est plaisante… surtout quand notre nom ne figure nulle part sur ladite publicité, répandue indistinctement dans tous les immeubles du quartier. Pourtant ce genre d'attrape-nigaud est beaucoup, beaucoup moins exaspérant que ceux qui essayent vraiment de «personnaliser» leurs envois en commençant leur bafouille par d'horribles «Cher Monsieur Untel» et «Chère Madame Chose» (qui sont des germanismes déplaisants, contrairement à beaucoup d'autres germanismes), voire d'affreux «Bonjour Jules Bolomey». On ne dira rien ici de la nouvelle mode du tutoiement dont usent à notre égard quelques marchands de tapis, de téléphones et de produits de lessive.

Les caprices de l'informatique donnent parfois des résultats comiques, du genre: «Cher Monsieur Garage du Coin», «Cher Monsieur Café du Commerce». Mais la plupart du temps, ces tentatives de flatterie sont simplement insupportables. On essaye de nous faire croire qu'un vendeur attentionné a pris la peine de penser à nous, alors qu'il ne s'agit que d'un bête ordinateur farfouillant benoîtement dans une base de données clients pour rédiger vingt ou trente entêtes en un millième de seconde.

Encore faudrait-il que la base de données clients n'indique pas n'importe quoi, se renseigne un peu sur lesdits clients et fasse preuve d'un minimum de tact à leur égard. On croit que les commerçants enregistrent des informations confidentielles sur nos habitudes de consommation, mais rien n'est plus faux. Ainsi l'auteur de ces lignes a-t-il récemment reçu un courrier adressé aux «Chers amis de la montagne, de la nature et du sport»! Rien que ça! Alors je dis: Non Messieurs! Ce n'est pas en insultant les gens que vous allez leur vendre quelque chose!

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 5 janvier 2007)