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Des Russes et des Rousses

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Partout dans le monde, on viole les principes les plus sacrés et les plus intangibles du droit international. A l'Est, il y a un peu plus d'une année, l'armée russe reprenait le contrôle de la Crimée. A l'Ouest, durant cet été, ce sont les troupes aéroportées suisses qui ont tenté d'annexer le lac des Rousses.

Nous éviterons de discuter ici du bien fondé des événements de Crimée. En revanche, pour ce qui concerne le conflit franco-suisse, l'honnêteté oblige à dire que Berne avait demandé à Paris une autorisation et que les autorités françaises avaient donné une réponse positive; le problème est venu de ce que cette réponse positive ne valait en réalité que pour survoler le territoire et que pour puiser il aurait fallu demander aux autorités départementales, que Paris n'avait pas jugé utile de prévenir. Dans cette affaire, ce n'est donc pas la Suisse qui s'est couverte de ridicule. Mais c'est tout de même elle qui a présenté des excuses – parce que la France est un grand pays et que le gouvernement suisse est lâche. La loi du plus fort: voilà au moins un principe fondamental du droit international que personne n'a jamais réussi à enfreindre.

Ces excuses n'ont d'ailleurs pas suffi à calmer le maire de la commune des Rousses, lequel, paraît-il, demande réparation. Sérieux? Peut-être serait-il prudent qu'il enfile un ciré avant que nos hélicoptères ne viennent lui rendre la quantité d'eau indûment prélevée…

Tout ça pour quoi? Dans les jours qui ont suivi, un mouvement autonomiste, déçu par les projets de réorganisation territoriale française, a annoncé qu'il réclamait le rattachement de la région Franche-Comté à la Suisse. Faudrait savoir: d'abord, on nous fait toute une histoire pour trois gobelets d'eau, et ensuite on veut nous offrir d'un seul coup 16'200 km2 et 1,76 million d'habitants? A moins que… ce pourrait être un piège: le référendum franc-comtois serait déclaré contraire au droit international, on accuserait la Suisse d'avoir truqué les résultats, de fournir des armes aux rebelles, d'avoir envahi l'Est de la France, des sanctions internationales seraient prononcées. Et Berne présenterait des excuses.

Moralité de l'histoire: chacun chez soi et les vaches seront bien désaltérées.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2025, 21 août 2015)