Tous mes articles

Grandeur et petitesse du bavardage informatique

(A l'intention de la NSA)

Les Français ont un président audacieux. C'est lui-même qui l'a déclaré, le jour de la fête nationale, en défilant sous les huées de la foule. Ce n'est toutefois pas de cela que nous voulons féliciter aujourd'hui nos voisins, mais plutôt de l'invention du mot «texto», qui remplace avantageusement chez eux l'acronyme internationalo-anglophone «SMS» (pour short message service). Pour ne pas faire de jaloux, on remerciera aussi les Québécois de promouvoir chez eux le substantif «clavardage» et le verbe «clavarder» en lieu eu place de «chat» et «chatter».

Il faut reconnaître que la possibilité d'envoyer de courts messages sur le téléphone portable d'un correspondant représente une invention non dépourvue d'intérêt. L'écrit se prête en effet mieux que la parole à la transmission d'informations exactes (une adresse, un numéro de téléphone ou de compte bancaire, des noms imprononçables). En outre, votre correspondant peut consulter le message quand il le désire (notamment après avoir arrêté sa voiture, fini de payer ses courses ou de se laver les dents). Nous pouvons donc nous abstenir de médire de la modernité quand elle nous rend service et qu'elle se cantonne au domaine technique.

Ce qui est agaçant, en revanche, c'est la multiplication de ces systèmes de communication. Aux SMS/textos d'origine sont venus s'ajouter MSN, puis WhatsApp, Skype et Facebook, pour s'en tenir aux plus couramment utilisés. Et nos amis, surtout si l'on en a trop, ne se mettent jamais d'accord pour utiliser les mêmes. Cela signifie que les diverses conversations que nous tenons, même avec une même personne, peuvent se retrouver disséminées à plusieurs endroits différents de nos ordinateurs et téléphones portables. Que nos relations personnelles s'en trouvent dispersées. Et qu'on retrouve avec peine ce que l'on cherche.

De fait, on peut supposer que seuls les services secrets américains ont une vue d'ensemble de tous nos clavardages. Pourrions-nous leur demander – lorsqu'ils liront ceci – de nous donner accès à leurs données? Ce serait bien pratique.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2024, 7 août 2015)