Tous mes articles

Ma facture, ma chère facture!

Au début de ce mois de juillet, le grand quotidien rouge de la capitale nous a encore sorti un éditorial bien criseux contre la Suisse, coupable cette fois de ne pas avoir suivi l'exemple de la belle et grande Union européenne qui venait d'imposer quelque tarif étatique aux opérateurs privés de téléphonie mobile. Nous avons eu droit au grand déballage des poncifs habituels: «le petit îlot helvétique surtaxé», «au milieu de 140 millions d'Européens», «les Suisses, derniers pigeons d'Europe», appel aux étrangers pour qu'ils fassent pression sur la Suisse, exaltation du courage et de la force des technocrates de Bruxelles, vitupérations fébriles contre nos opérateurs de téléphonie, etc.

Ce genre de cri du cœur – qui ressemble plus à une transcription d'insoutenables aigreurs d'estomac – obéit certes à des ressorts psycho-idéologiques bien connus: phobie de l'indépendance helvétique, complexe d'infériorité face à l'Europe, frustration de voir l'économie privée échapper partiellement à la planification étatique, fantasme d'un ultra-libéralisme conçu comme une guerre inter-entreprises entièrement dirigée par l'administration.

Il y a pourtant autre chose. Le prix des conversations téléphoniques occupe une place particulière dans la production journalistique actuelle. Le sujet semble passionner plus que de raison la nomenklatura gauchiste. Entendons-nous bien: nous ne voulons pas prendre la défense des barbares de la communication qui s'adressent à nous dans un sabir affligeant, infantile et incompréhensible. Mais alors que l'ignoble course au «moins cher» constitue l'aspect le plus déplaisant de la libéralisation au point que nous préférerions des services plus chers et de meilleure tenue, le prix n'est pas une préoccupation première. Surtout, il est paradoxal que des gens qui considèrent le moindre franc laissé dans notre poche comme un «cadeau fiscal» prétendent simultanément nous aider à réduire le montant de nos factures téléphoniques!

En y réfléchissant bien, les bourgeois socialistes, journalistes bien pensants, notables roses-verts et couples de hauts fonctionnaires à double salaire se soucient certainement comme d'une guigne de ce que nous dépensons: c'est à leurs propres factures qu'ils songent! L'été est là, et l'éditorialiste qui s'exclame: «Pensez-y cet été, installé sur une terrasse en Toscane ou sur une plage grecque, au moment de passer un rapide coup de fil au pays…» parle probablement de lui-même à la deuxième personne.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 20 juillet 2007)