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Pour en finir avec le principe de non-contradiction

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Nous vivons un automne splendide, mais une actualité politique déprimante et ennuyeuse.

Le principal thème de discussion est l'initiative Ecopop, qui menace de bloquer l'arrivée de gens bien dont on aimerait qu'ils nous envahissent davantage, mais qui n'empêcherait pas l'immigration de 16'000 nouveaux importuns chaque année. La gauche est divisée, la droite aussi, et la campagne tourne un peu au dialogue d'autistes sourds entre ceux qui parlent dealers et burkas et ceux qui leur répondent horlogers français et infirmières canadiennes. Les partisans de l'initiative nous convainquent de voter non quand les opposants nous donneraient presque envie de voter oui; le problème est que les seconds ont davantage d'audience que les premiers.

A ce propos, on vient d'apprendre 1) que la Cour européenne des droits de l'homme, peut-être pour donner un coup de pouce à Ecopop, avait décidé d'interdire à la Suisse d'appliquer l'accord de Dublin sur les demandeurs d'asile, et 2) que l'administration fédérale, sans doute dans un souci contraire, avait l'intention d'ignorer pour une fois la décision de la CEDH et de poursuivre ses tentatives de renvoi. A l'instar de certaines boissons énergisantes, la peur donne des ailes.

L'autre sujet de votation qui déchaîne les passions, c'est la chasse aux privilèges des riches étrangers – dont les Suisses modestes pourraient aussi faire les frais. Le refrain est connu… mais on ne se lasse pas de voir les socialistes se démener pour justifier les privilèges dont profitent leurs propres riches – par exemple lorsque tel ancien magistrat s'accroche bec et ongles à sa confortable rente à vie en plus de ses revenus d'avocat, ou lorsque telle avocate multimillionnaire argue de son bon droit de ne payer aucun impôt pendant une année.

Tous ces scrutins sont assurément moins passionnants que le vote des Catalans sur leur envie d'indépendance, vote que le gouvernement de Madrid a qualifié d'«anti-démocratique».

La notion de vote anti-démocratique, qui exprime l'idée que les citoyens répondent à une question que celui qui détient le pouvoir ne veut pas leur poser – est intéressante; elle illustre tout à la fois le dépassement historique du principe de non-contradiction et la conception très chorale que les démocrates ont de la démocratie: tu chantes ce qu'on te dit quand on te dit, le reste du temps tu la fermes.

Voilà qui nous conforte dans notre opinion: la démocratie – comme tout le reste – n'est intéressante que lorsqu'elle est anti-démocratique!

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2005, 14 novembre 2014)