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Pas de pitié pour le chocolat!

Amiante, radiations, fumée passive, déchets toxiques, morsures de chiens, mauvaises graisses: notre société pensait naïvement s'être prémunie contre les pires dangers. Or, on découvre soudain que nos chères têtes blondes manipulent chaque jour avec insouciance des substances terriblement nocives que des marchands sans scrupules leur vendent en pleine cour de récréation: des pains au chocolat!

Heureusement, la réaction s'organise. La congrégation des diététiciennes anorexiques sans enfants et les gais compagnons de la graine de tournesol et du légume à l'eau exigent désormais des préaux sans calories. On bannira donc les pains au chocolat, en attendant de proscrire aussi les pains sans chocolat et les chocolats sans pain. Les cartables des élèves seront fouillés. Boulangers et pâtissiers seront chassés; on veillera à ce qu'ils ne tiennent plus commerce à moins de cent mètres d'une école. Les magasins ne pourront plus vendre de chocolat aux jeunes de moins de dix-huit ans et les emballages comporteront des messages de prévention: «Nuit gravement à la santé.» Inutile de préciser que les classes d'école auront l'interdiction de visiter les fabriques de chocolat, lesquelles seront à l'avenir entourées de capteurs afin de mesurer le taux de particules fines de chocolat dans l'air.

Parfaitement conformes aux tabelles normatives du Département de la formation et de la jeunesse, les enfants deviendront minces, moches et malheureux (en plus de ne savoir ni lire ni écrire) jusqu'au jour où, devenus adolescents, ils organiseront des chocollón, soirées festives où les jeunes viendront se goinfrer sans retenue de pains au chocolat.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 1844, 29 août 2008)