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La maison des cantons, une Confédération bis?

La presse a relaté l'inauguration officielle, lundi 18 août à Berne, de la «Maison des cantons». Cette dernière a été voulue par la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC) qui souhaitait ainsi renforcer sa visibilité et affirmer matériellement son existence. La Maison des cantons, nous dit-on, permettra en particulier de renforcer la présence et le poids des cantons face aux organes de la Confédération.

Une «Maison des cantons» pour représenter ces derniers face à la Confédération? Selon nos institutions, la Confédération est la maison des cantons, créée par eux, chargée par eux d'assumer les tâches qu'ils estiment nécessaire de gérer en commun. Qui plus est, le Parlement fédéral est composé de deux chambres dont l'une représente – certes à tort – «le peuple» et l'autre, à juste titre, les cantons. Que faut-il de plus à ces derniers pour se faire entendre dans leur confédération?

L'apparition d'une Maison des cantons met ainsi en évidence ce que l'on savait déjà: la Confédération s'est désormais affranchie de ses créateurs et légitimes propriétaires pour devenir une sorte d'«objet étatique» autonome. Au lieu d'être une véritable «maison des cantons», elle se comporte en partenaire – et parfois en adversaire – de ces derniers. Même le Conseil des Etats, conçu pour représenter les cantons au Parlement fédéral, apparaît aujourd'hui surtout comme un «organe de la Confédération».

On pourrait sans doute tirer un parallèle avec les institutions européennes qui cessent progressivement de constituer une émanation des Etats membres pour se comporter comme un pouvoir indépendant, superposé, sans territoire ni population qui lui soient directement liés mais jouissant néanmoins d'une volonté autonome.

Pour récupérer une partie de ce pouvoir qui leur échappe, les cantons suisses ouvrent aujourd'hui une «Maison» à Berne. Peut-être les Etats européens feront- ils de même, dans quelques années, à Bruxelles. Est-ce judicieux de recréer ainsi ce qui est censé déjà exister? La Nation a déjà émis quelques doutes à ce sujet (1). A-t-on au moins songé au moyen d'empêcher les mêmes dérives de se reproduire? La Maison des cantons aura l'ambition de «parler d'une seule voix» – où entendra-t-on les voix minoritaires? –, d'être reconnue comme une «institution» – c'est ainsi que la presse la désigne déjà –, de devenir un «centre de compétences» – s'agira-t-il de centraliser des compétences cantonales? Quelque cent soixante fonctionnaires travaillent d'ores et déjà dans ce bâtiment de la Speichergasse, «à proximité de la Place fédérale»…

Que faudra-t-il inventer, plus tard, pour représenter les cantons face à la Maison des cantons?

(La Nation n° 1844, 29 août 2008)

1) Un piège pour les cantons, éditorial de La Nation No 1816, 3 août 2007.

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